samedi 1 avril 2017

La pensée du jour (01/04/2017) : Soumission à l'autorité.

" Le dilemme résultant du conflit entre la conscience et l'autorité est inhérent à la nature de la société et se poserait à nous même si le nazisme n'avait jamais existé. Réduire un problème aussi général à la seule dimension d'un évènement historique, c'est se donner l'illusion qu'il appartient à une époque révolue.
Certains dénient toute valeur d'exemple au phénomène nazi sous prétexte que nous vivons en démocratie et non dans un état "autoritarien". Mais le problème ne disparaît pas pour autant car il ne concerne ni l'"autoritarianisme" en tant que mode d'organisation politique, ni un ensemble particulier d'attitudes psychologiques : ce qu'il met en cause, c'est l'autorité en soi. Un gouvernement autoritarien peut être remplacé par un régime démocratique, mais dans un cas comme dans l'autre, l'autorité ne saurait être éliminée tant que la société continuera sous la forme que nous lui connaissons.

Dans les démocraties, les dirigeants sont élus par tous les citoyens, mais une fois à leur poste, ils sont investis de la même autorité que ceux qui y parviennent par d'autres moyens. Et comme nous avons eu maintes fois l'occasion de le constater, les exigences de l'autorité promus par la voie démocratique peuvent elles aussi entrer en conflit avec la conscience. L'immigration et l'esclavage de millions de Noirs, l'extermination des Indiens d'Amérique, l'internement des citoyens américains d'origine japonaise, l'utilisation du napalm contre les populations civiles du Vietnam représentent autant de politiques impitoyables qui ont été conçues par les autorités d'un pays démocratique et exécutées par l'ensemble de la nation avec la soumission escomptée. Dans chacun de ces cas, des voix se sont élevées au nom de la morale pour flétrir de telles actions, mais la réaction type du citoyen ordinaire a été d'obéir aux ordres...
... A cet égard, ils ne sont ni pires ni meilleurs que ceux qui, de tout temps, courbent l'échine devant l'autorité et deviennent les exécuteurs de ses hautes œuvres."

Extrait de Stanley Milgram, "Soumission à l'autorité", chapitre XV (Épilogue), pp 221-222 (Ed. Calmann-Levy).