lundi 14 janvier 2013

TEM… Suite et fin (…-1990)

(Pour consulter les billets précédents sur le Théâtre Ecole de Montreuil (TEM), cliquer le lien correspondant dans la colonne de gauche)


Qu’y a-t-il de spécifique dans l’écriture théâtrale ?
Philippe Minyana : C’est une langue parlée, à parler, qui sera projetée. Donc, elle a son rythme, ses propriétés. Elle est très différente de la langue romanesque. Je suis toujours gêné, au théâtre, quand j’entends une langue plate, une langue morte, une langue de roman aussi belle soit-elle, si elle n’est pas « mâchée » pour la scène. Un de mes buts est donc de rechercher la langue de théâtre. Je ne suis pas le seul, d’ailleurs. Nous sommes beaucoup d’auteurs préoccupés par la syntaxe de la langue de théâtre.
Recueilli par
Vincent Cambier
Les Trois Coups (http://www.lestroiscoups.com/article-3569978.html)

Il n'est si bonne compagnie qui ne se quitte. Après deux années d'expériences formatrices et enrichissantes, le bonheur de jouer "Le bastringue", puis 'Les diablogues", la magie n'était plus totalement au rendez-vous. Un problème temporaire de disponibilité, associé à la difficulté à retrouver le plaisir partagé des premières années, conduisit à prendre du recul et à quitter le TEM pour un peu plus d'un an… Puis à y revenir, toujours dans le cours de Michèle Bisson. Le groupe initial s'était alors dispersé dans la nature, mais se trouvait remplacé par des "nouveaux" avec qui de nouvelles aventures étaient possibles… et dont nous retrouverons certains, comme Jean-Pierre Fournier, ultérieurement dans d'autres contextes théâtraux. Il y aura des hauts et des bas dans ces nouvelles aventures, et ce jusqu'à un départ définitif (comme élèves, pas comme spectateurs) en 1990. Parmi les "hauts" figure certainement le contact avec une écriture contemporaine particulière, celle de Philippe Minyana. En 1988-89, l'année où Michèle nous proposa de travailler deux de ses textes (Inventaires et Les Guerriers), son théâtre n'était publié que depuis peu de temps. Son écriture sans ponctuation étonnait alors, tout comme son utilisation d'un langage non littéraire évoquant - au moins en apparence - le langage de tous les jours.





 



Photos prises durant les répétitions de "Les Guerriers" (mai 1989)



jeudi 10 janvier 2013

Théâtre de l'Est Parisien (TEP) 1983-1986 : Chronique d'une mort annoncée 1

(1) Dans la jungle de la ville

"Le théâtre est l'un des lieux où le fracas des sonorisations et des poncifs proclamés se tait. Dieu merci ! Mais c'est d'abord le lieu des artistes à qui personne ne peut contester la liberté d'écrire, de mettre en scène et de jouer à leur manière. Leur imagination est leur pouvoir et ainsi va le monde. Il se recrée avec eux. Mais tenter quelque chose qui modifie partiellement les règles du jeu et risque même d'enrichir ce jeu, en retrouvant l'écoute d'autrui, n'est pas interdit. Il suffit de passer le pont que les autres ne franchissent pas."
Gilles Costaz, La société sur écoute, in TEP Mémento n° 23


J'ai déjà traité sur ce blog de ce que fut l'originalité du TEP créé en 1963 par Guy Rétoré dans la salle d'un vieux cinéma de quartier (Le Zénith). En plein Ménilmontant, il eu une influence importante non seulement sur la vie d'un quartier mais sur l'évolution de nombreux individus.


Avant de revenir sur mon "expérience vécue" dans ce théâtre, il m'a semblé utile de citer quelques jalons de son évolution. La mémoire s'évanouie vite,… et il y a des faits qui méritent de ne pas être oubliés.
Pour que le TEP puisse jouer pleinement un rôle original comme lieu de création théâtrale, deux questions se posaient : celle de sa reconnaissance et celle de la qualité de l'accueil des spectateurs (et des artistes). Réto "ronchonnait" (je plaisante,… mais il avait un côté ronchon !), rappelant l'exigence transmise par Jean Vilar : permettre aux spectateurs de bien voir, bien entendre et être bien assis constitue la forme élémentaire du respect qui leur est dû .


Première étape : en 1972, Jacques Duhamel, Ministre des Affaires Culturelles, avait fait du TEP un théâtre national. Un théâtre national… dans un vieille salle de cinéma ! Certes les projets de rénovation, ou de reconstruction, n'ont pas manqué durant ces années. Quelques expressions suggérées alors illustrent l'avancée de ces projets : embrouillée, fastidieuse, années de finasseries et de dérobades, calendes grecques, valse hésitation,…
En mai 1981, Jack Lang devient Ministre de la Culture et augmente la subvention du TEP (en fait la subvention qui avait diminué retrouve le niveau de 1978). La reconstruction du TEP est à nouveau à l'ordre du jour, et en 1983, le bâtiment est démoli sur décision de Jack Lang. En attendant, que l'équipe de Réto puisse prendre possession du nouveau théâtre, elle s'installera dans une salle provisoire, aménagée dans la salle de répétition du 159 Avenue Gambetta. Cette salle provisoire est inaugurée en octobre 1983 par trois soirées de variétés auxquelles participent Raymond Devos, Francis Lemarque, et Léo Ferré. Mais… 

Mais… à mesure que le temps passait, il devenait de moins et moins évident que les nouveaux locaux seront attribués au TEP. D'un côté, le pouvoir voulait faire du nouveau théâtre un lieu de prestige. Ce sera le théâtre de la Colline. De l'autre, Réto voulait conserver dans un lieu mieux adapté que l'ancienne salle, la proximité et l'intimité correspondant à sa conception du "théâtre populaire". Pour lui la nouvelle salle, immense bâtisse de métal et de verre, ne correspondait pas à son public. Ce qui était vrai et faux. FAUX, dans le sens où le Théâtre de la Colline bénéficia non seulement d'un lieu, mais aussi de la création laborieuse d'un public "de quartier" qui avait été une des fonctions du TEP jusque là. Mais ce public sera dispersé au sein d'une masse de spectateurs venant à la Colline comme ils allaient dans d'autres "lieux de culture" dispersés en banlieue. On peut même supposer que pour certains s'aventurer dans ce Ménilmontant, village de province en plein Paris (enfin… en périphérie !), ajoutait au plaisir du théâtre celui de l'exotisme. VRAI, dans le sens où recréer l'ambiance propre à ce qu'avait été jusqu'ici le TEP dans ce palais de verre aurait été un pari stupide. 

C'est donc ainsi que ce qui devait arriver (faudrait-il écrire ce qui avait été prévu et programmé ?) arriva.   Il ne semble pas que le ministère fit de grand effort pour faire fléchir Réto. A l'automne 1986, Robert Hossein est considéré comme le nouveau directeur, mais il faudra attendre le printemps suivant pour que la nomination ait lieu. L'élu sera Jorge Lavelli, remplacé en 1996 par Alain Françon (puis Stéphane Braunschweig en 2010).
 
Retour à la case départ, c'est à dire dans la salle provisoire (!) de l'Avenue Gambetta. Réto, reste - et restera - dans cette salle, en conservant le nom de théâtre de l’Est parisien, et en dépendant du nouveau théâtre dont il est en quelque sorte locataire. Le TEP devient alors simple "structure de production et de diffusion" puisque pour les autorités le successeur de l'ex-TEP théâtre national,… c'est la Colline. C'est donc dans une salle de dimension modeste mais de conception chaleureuse que se déroulera la deuxième partie de la vie du TEP (1). 


Un dernier mot avant de conclure provisoirement. Bien que n'ayant pas le goût d'étaler ma vie privée sur la voie publique, pour que ce qui suivra soit plus clair, je préciserai que au moment ou prenait corps la deuxième vie du TEP (… comme d'ailleurs par la suite), l'ex-chef d'orchestre et l'ex-violoniste du Bastringue vivaient en couple (comme on dit dans Facebook). J'utiliserais donc par la suite le Je ou le Nous sans plus de précision. Ajoutons que durant ces années, nous avions déménagé dans une petite rue de Ménilmontant, où - par un hasard faisant bien les choses - certaines de nos fenêtres donnaient sur l'arrière du bâtiment du nouveau TEP. Nous pouvions quasiment aller au théâtre en chaussons ! 

Un ultime dernier mot. Pour tout ce qui concerne les péripéties du TEP mentionnés ci-dessus, à chaque fois que j'ai eu un doute ou un trou, j'ai plongé la main en bas et à gauche de la bibliothèque et j'en ai ressorti le livre d'Alfred Simon "Le TEP, un théâtre dans la cité" (Ed. Beba). Sur la page de garde de notre exemplaire, quelques lignes manuscrite de George Werler qui se terminent par ces simples mots : "A tout à l'heure". A tout à l'heure donc, ou plutôt à plus tard, pour retrouver la deuxième vie d'un théâtre pas comme les autres, et voir comment une aventure censée durer une saison se prolongea sur plusieurs années.




(1) Guy Rétoré laissera sa place de directeur en juillet 2001, après une longue polémique l'opposant à Catherine Trautmann sur la nomination de son successeur, Catherine Anne. 

D'un Dialogue aux Enfers,… l'autre...


« Écoutez-moi et vous en jugerez. Il s'agit moins aujourd'hui de violenter les hommes que de les désarmer, de comprimer leurs passions politiques que de les effacer, de combattre leurs instincts que de les tromper, de proscrire leurs idées que de leur donner le change en se les appropriant. » (Propos prononcés par Machiavel dans le texte de Maurice Joly)


1983 - Le Petit Odéon (alors annexe de la Comédie Française) programme une adaptation par Pierre Franck du texte de Maurice Joly "Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu". Tout concoure à en faire un grand moment de théâtre : l'adaptation, la mise en scène dont la simplicité rivalise avec l'efficacité, et les deux comédiens : Michel Etcheverry et François Chaumette… époustouflant. Sans oublier bien entendu le texte de Maurice Joly, dont peu se souviennent qu'il conduisit son auteur en prison,… puis finalement au suicide.


Grande était alors la tentation de se reporter au texte initial pour retrouver et approfondir les réflexions de l'auteur. Surprise. Le texte était introuvable. Pas interdit. Pas épuisé. Banni ! Apparemment, y compris par les libraires eux-mêmes. Censure officieuse, auto-censure ? Il ne restait qu'à se mettre en chasse d'exemplaires d'occasion. Pas facile ! En attendant la réédition en 1992 par un éditeur courageux, Allia

Il restait aussi la possibilité d'une piqure de rappel. Une occasion eu fut donnée fin 1984 par la manifestation "Feux d'Automne" organisée pour le 20° anniversaire de la fondation du Théâtre Ecole de Montreuil (TEM). Le Dialogue figurait parmi les 24 spectacles programmés à cette occasion. Conclusion : non seulement le spectacle supportait d'être revu à un an d'intervalle, mais le plaisir, la jubilation, et l'admiration pour la performance des comédiens étaient aussi éclatants que lors de la première découverte du texte.



La suite… Il y a des textes qui vous poursuivent et vous poursuivront toujours ! D'autant plus que la comparaison entre le texte de Maurice Joly et la version de Pierre Franck montre à la fois la richesse du matériau de départ et l'apport de l'adaptateur faisant d'un texte long et non dépourvu de lourdeurs un texte percutant (et totalement d'actualité). La tentation était grande de profiter de cette richesse du texte pour commettre une nouvelle ré-écriture. .
Et puis finalement, j'en suis venu à me poser une question : que serait aujourd'hui l'enfer dans lequel pourrait s'affronter deux maîtres de la dialectique politicienne. Ceci ne pouvait que peser sur l'utilisation faite du texte de Maurice Joly.


dimanche 6 janvier 2013

Bastringue à Montreuil 1983-1984


"L'art c'est beau, mais c'est du boulot !"
(Karl Valentin)

Montreuil (93). Autrefois surnommée Montreuil les Pèches à cause de ses vergers. Devenue un patchwork d'îlots pavillonnaires et des quartiers "à problèmes".
Venant de Paris, après avoir traversé les Lilas et une partie de la commune montreuilloise, on se retrouve sur une sorte d'échangeur inter-urbain, la Croix de Chavaux. En le contournant, on parvient à atteindre la rue Marcellin-Berthelot. Et donc le Théâtre Berthelot, une salle où Georges Méliès - l'inventeur du spectacle cinématographique - termina sa carrière, chassé de son propre studio. Salle dont Jean Guerrin, fondateur et directeur du Théâtre Ecole de Montreuil (TEM), assure la programmation. Ce jour de 1983, on y joue une pièce adaptée du recueil de Chaval "Les gros chiens". Chaval, l'immortel auteur de "Les oiseaux sont des cons" !

Bon spectacle (… de mémoire), et opportunité de glaner des informations sur le TEM.
Le TEM approche alors de sa vingtième année d'existence. Cette école est alors une expérience à peu près unique en France. Non seulement école, mais également lieu de création, puisqu'il a bourlingué durant ces années à Paris (au Théâtre de l'Est Parisien), en province, à Londres,… et jusqu'au "IN" d'Avignon (pour Henry VI de Shakespeare). Sur le TEM voir Wikipedia et le site de T2A.


La sélection se fait tous les ans à la rentrée, dans les locaux du TEM, le bâtiment d’un ancien centre de formation professionnelle. Tous ceux qui espèrent pouvoir suivre les cours de l'année 1983-84 sont réunis dans une des salles de travail. Face à eux, les futurs encadrants et surtout Jean Guerrin. On sent qu'être inscrit aux cours du TEM n'est pas un droit (surtout lorsqu'on n'est pas montreuillois, l'institution vivant pour une large part des subsides municipaux). Jean prend la parole. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le personnage paraît froid, voire tranchant. En fonction de votre ancienneté dans la maison, du nombre d'heures que vous êtes prêts à consacrer chaque semaine à votre formation théâtrale, vous pouvez demander à vous inscrire sur la liste de tel encadrant qui peut accueillir un nombre maximum d'élèves.
Ouf ! C'est bon pour cette année, dans le groupe de Michèle Bisson qui ne comprendra que des débutants (elle même débute cette année son activité d'encadrante).
Que dire de l'enseignement du TEM, sinon qu'il est cadré, suivant une progression définie (inspirée pour une large par de Stanislavski). Exercices techniques alternent avec travail sur les textes. Durant le premier trimestre, il y a comme on dit du déchet. Tous ne tiennes pas le rythme. Et puis en cours d'année, Michèle Bisson lance l'idée que nous pourrions monter un spectacle. Elle pense plus précisément à "Le Bastringue" de Karl Valentin. L'idée est simple,… mais pas sa mise en oeuvre. Au TEM on vient pour se former, et jouer n'est pas un droit ! Il y a bien une petite salle de spectacle dans les locaux (le studio), mais elle n'est ouverte qu'à un nombre restreint d'individus déjà expérimentés travaillant directement avec Jean Guerrin. Jean est donc plutôt défavorable, ne voulant pas cautionner une production médiocre de débutants. Tout au plus accepte-t-il ne mettre Michèle et ses comédiens au pied du mûr : bossez et on verra au final si vous pouvez jouer ! Et même si vous jouez, vous n'aurez pas droit au studio, mais vous utiliserez la salle où vous répétez (qui devait à l'origine servir de garage à l'école qui occupait les lieux). Les répétitions vont alors succéder aux répétitions,… soirées,… week-ends,…
Le Bastringue :  “Les disgressions sont si nombreuses qu’elles occupent finalement tout le terrain” écrit Jean-Louis Besson (co-traducteur de Karl Valentin). Alors, étant donné l’effarement des musiciens, le désarroi hargneux du chef, les trous de mémoire de la chanteuse et autres bagatelles, c’est bien le diable si l’orchestre du Bastringue arrive à donner son concert".
Une des "chances de ma vie", Michèle m'a distribué le rôle du chef d'orchestre ! Par sa lecture du texte, elle en a accentué la cruauté… et donc l'humanité. Le chef se trouve "tiraillé" entre trois femmes (rapports univoques, bien entendu) : le premier violon (Louise R. Caron,… même si ce n'est pas sous ce nom qu'elle apparaît à l'époque), la soubrette (X), la chanteuse (Brigitte Le Gargasson). Sans oublier le cycliste acrobate (Philippe Desperier), et les sept autres comédiens. Quant au final, ce sera un quasi-meurtre du chef par l'ensemble de l'orchestre : à sa question "Je ne vais tout de même pas me pendre pour ça", tous répondront "si, si, si,…".


Le chef d'orchestre (Michel Caron)














Le 1er violon (Louise R. Caron)














La chanteuse (Brigitte Le Gargasson)



       La soubrette




A posteriori, il fallut à Michèle Bisson beaucoup de courage pour se lancer dans une telle aventure avec 12 comédiens inexpérimentés… mais investis. C'est donc tout naturellement qu'une partie de ceux-ci allaient se retrouver l'année suivante !

samedi 5 janvier 2013

De dialogues en diablogues (1984-1985)

"Jouer la comédie pour quelqu'un, c'est essayer de lui faire comprendre qu'il n'est pas là" (Roland Dubillard)
" On a l'obsession de Dionysos. Chacun se raconte à sa manière son histoire du théâtre. Chacun se l'invente. Ça l'aide pour agir. Moi, je me suis inventé l'idée que le théâtre est né dans une espèce de grande beuverie, où trois mecs un peu éméchés se sont mis à jouer et que les autres ont applaudi en regardant" (Cie Le Théâtre de l'Unité, in Programme de Feux d'Automne, 1984)

 Rentrée 1984. Deuxième année au TEM, toujours sous la responsabilité de Michèle Bisson qui, suite à l'expérience positive du Bastringue l'année précédente, a désiré retrouver ses anciens. Rentrée toute particulière pour l'ensemble des élèves et pour l'établissement : Le Théâtre Ecole de Montreuil a 20 ans cette année (1964-1984). A cette occasion une manifestation qui va durer 3 mois est organisée. Feux d'automne : 21 compagnies, 24 spectacles, 7 créations. Soirées animées et nuits folles !

D'emblée, nous sommes mis en face du "big-boss", Jean Guerrin, ce qui n'est pas courant lorsque l'on est pas sous sa responsabilité directe. Formation rapide aux "événements de rues" qui doivent ouvrir cette période. Après avoir rapidement revêtu quelques oripeaux plus ou moins grotesques (photos ci-dessous), nous nous transformons en enquêteurs sur la voie publique. A proximité de la Mairie de Montreuil nous sommes munis d'un questionnaire et chargés d'enquêter sur un "projet" qui reviendrait à détruire la dite Mairie. Les passants sont à la limite plus étonnés par notre accoutrement que par nos questions. On voit tant de chose de nos jours ! Quelques-uns argumentent, trouvant que ce serait du gâchis de démolir un bâtiment visiblement en excellent état.







Sondage
d'opinion
dans le cadre
des 20 ans
du TEM. Les
enquêteurs :
photos 1 et 2,
M. Caron.
Photo 3 :
L.R. Caron.

Notre enquête n'était qu'un avant-goût d'autres évènements : Le Mariage (Théâtre de l'Unité), partant du centre ville et se terminant en grandes pompes à la Mairie et… l'embrasement de la Mairie (Nuits Blanches évènements) prise d'assaut par des êtres étranges mi-spéléologues mi-hommes-grenouilles…

… Et puis deux mois de théâtre avec entre autres Philippe Avron, le Café de la Gare, et la Comédie Française (Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu). Puis pour reprendre son souffle : la fête du 20° anniversaire au centre des expositions de Montreuil :
" Un moment de convivialité débridée où l'on pourra côtoyer le nain et le géant, s'asseoir à la table des grands de ce monde ou s'isoler auprès des plus humbles… Une fête pleine de surprises et d'imprévus… Avec en prime quelques animaux exotiques…" (Programme de Feux d'Automne).
Les spectateurs commençaient par traverser un grand hall d'exposition parsemé d'attractions, avant de se répartir dans différentes salles pour un dîner "théâtralisé". Nous étions en charge d'un des groupes de convives. Pas les plus gâtés. L'accueil d'abord. Si une partie d'entre nous avaient une attitude effectivement accueillante, les autres fuyaient tout contact et se refusaient à répondre à d'éventuelles questions. Les plats ensuite. Ceux-ci devaient n'utiliser que les couleurs noir et rouge… Le résultat final n'était pas un sommet de la gastronomie !

Il ne restait plus alors que quelques semaines jusqu'à la fin '84, pour assister au dernier spectacle programmé et pour nous consacrer plus pleinement aux cours du TEM.

Pour notre groupe, 1985 fut l'année Roland Dubillard. Les Diablogues, interprétés par Claude Piéplu et l'auteur, avaient été créés 10 ans auparavant au Théâtre de la Michaudière. Edités en 1976, ils avaient été depuis peu (ou pas ?) repris. Michèle Bisson eu l'idée de profiter des différents "lieux"(y compris les toilettes, la réserve des accessoires,…) des locaux du TEM pour en faire un spectacle "itinérant" au sein du bâtiment, différents groupes de spectateurs se déplaçant d'un point à un autre en suivant un guide (chacun était tour à tour guide et comédien). Bon moments pour les spectateurs… et pour nous qui exceptionnellement pouvions assister au travail de nos camarades en (presque) position de spectateurs.





Les Diablogues au TEM (1985). 1 : Affiche du spectacle. 2-5 : Tragédie Classique (UN : L.R. Caron, DEUX : M. Caron). 6 : Salut final avec l'ensemble des comédiens.


vendredi 4 janvier 2013

Menilmontant 1981-1982

"… On grandit sans s'faire de bile
A Belleville…
Et l'on nag' dans l'abondance
A Ménilmontant." 

Aristide Bruant


Dans les années '60-70, le passage de Belleville (le quartier de mon enfance) à Ménilmontant, les deux principaux quartiers ouvriers du nord-est parisien, représentait une forme d'ascension sociale. Non seulement par la qualité de l'habitat, mais Ménimontant se caractérisait par une qualité de vie qui avait largement déserté le quartier de Belleville… et qui le désertera de plus en plus.

C'est dans ce contexte qu'avait pris vie un des lieux privilégiés de cette vie de quartier, ce que les ENArques nomment un lieu culturel de peur de s'écorcher la bouche en prononçant le mot "artistique". Comme beaucoup de personnes (aujourd'hui encore, il faut le constater) le théâtre m'intimidait. Tout en m'attirant… Pourtant, il suffisait de quelques minutes à pied, de la place du Jourdain à la place Gambetta, pour découvrir un théâtre où l'on pouvait se rendre "comme on va au cinéma", sans être intimidé,… ni se ruiner. Le Théâtre de l'Est Parisien (TEP). On y venait, de plus en plus régulièrement en ce qui me concerne, tout à la fois pour se divertir et réfléchir… comme le voulait B. Brecht dont le spectre rodait dans les cintres. Rien de luxueux dans cette salle bricolée à partir d'un cinéma de quartier,  le Zénith, et dont la porte côté jardin donnait sur une courette où avait été installée un petit lieu théâtral adapté à un public plus restreint.

Ce lieu fascinant était lié de façon indissociable à son fondateur, Guy Rétoré (qu'entre fidèles du TEP nous nommions amicalement "Réto"), qui l'avait créé de haute lutte à partir de sa troupe amateur de la Guilde jusqu'à en faire un théâtre national. Dans celui-ci Réto a produit et accueilli quelques un des spectacles marquants de l'époque, et donné à voir et à entendre les auteurs qui lui tenaient à coeur. L'insertion du public, ou du moins d'une part de celui-ci, dans la vie du théâtre faisait constamment partie de ses préoccupations. Il voyait dans le contact entre équipe théâtrale, auteurs et spectateurs un outil permettant à la fois de former les spectateurs et de "re-sourcer" les artistes en les faisant travailler parmi les "vrais gens"… ceux du quartier. Ce n'est pas ici le lieu pour discuter des résultats des cette démarche. On peut en tout cas constater que sans être unique, elle n'était guère courante à l'époque.

Au début des années '80, Réto se lance dans une nouvelle expérience. Il engage trois jeunes comédiens frais sortis du Conservatoire National (Promotion 1980, Profs: Michel Bouquet, Pierre Debauche), a qui  est confié le soin d'animer une bonne partie de la saison : Nadine DARMON, Jean-Daniel LAVAL, Eric PRAT. Parmi cette animation, une action en direct d'un groupe de spectateurs (plutôt jeunes en moyenne), dont la logique interne me paraît aujourd'hui quelque peu floue. Mais le caractère chaleureux des trois encadrants, leurs personnalités dissemblables réunies dans une complicité communicative, font que le plaisir de faire des choses ensemble est présent. Après quelques journées passées dans la salle de répétition du TEP (le TEP y trouvera refuge après la construction du théâtre de La Colline), nous migrerons dans le théâtre proprement dit (à l'emplacement actuel de La Colline). Les stagiaires (?) se divisent en trois groupes, chacun sur un projet pouvant éventuellement aboutir à une présentation. Projet ambitieux par rapport à nos faibles capacités !

Au final, seul le groupe encadré par Eric Prat (dont je fais parti) aboutira à une présentation. Lucidement Eric avait su limiter ses (nos) ambitions : une présentation muette, avec des images de groupe évocatrices et un habillage de lumières et de son.

Bilan : sans avoir fait d'apprentissage de l'activité du comédien (ce qui ne fut jamais le but), j'avais touché au plaisir sinon de jouer, du moins d'être présent, concentré,... Et puis la découverte des ces trois comédiens, de leur travail (et des contraintes que cela pouvait entraîner), des bons moments passés ensemble (au TEP ou à un café de la place Gambetta), représentait humainement un encouragement à persévérer. Comment, je n'en avais pas la moindre idée. J'avais entendu lors d'une journée à la salle de répétition des stagiaires parler du Théâtre Ecole de Montreuil… mais c'est une autre histoire…

TEP 1982 (photo LR Caron)TEP 1982 (photo LR Caron)
TEP 1982 (photo LR Caron)





À PROPOS DU THÉÂTRE DE L'EST PARISIEN