dimanche 6 janvier 2013

Bastringue à Montreuil 1983-1984


"L'art c'est beau, mais c'est du boulot !"
(Karl Valentin)

Montreuil (93). Autrefois surnommée Montreuil les Pèches à cause de ses vergers. Devenue un patchwork d'îlots pavillonnaires et des quartiers "à problèmes".
Venant de Paris, après avoir traversé les Lilas et une partie de la commune montreuilloise, on se retrouve sur une sorte d'échangeur inter-urbain, la Croix de Chavaux. En le contournant, on parvient à atteindre la rue Marcellin-Berthelot. Et donc le Théâtre Berthelot, une salle où Georges Méliès - l'inventeur du spectacle cinématographique - termina sa carrière, chassé de son propre studio. Salle dont Jean Guerrin, fondateur et directeur du Théâtre Ecole de Montreuil (TEM), assure la programmation. Ce jour de 1983, on y joue une pièce adaptée du recueil de Chaval "Les gros chiens". Chaval, l'immortel auteur de "Les oiseaux sont des cons" !

Bon spectacle (… de mémoire), et opportunité de glaner des informations sur le TEM.
Le TEM approche alors de sa vingtième année d'existence. Cette école est alors une expérience à peu près unique en France. Non seulement école, mais également lieu de création, puisqu'il a bourlingué durant ces années à Paris (au Théâtre de l'Est Parisien), en province, à Londres,… et jusqu'au "IN" d'Avignon (pour Henry VI de Shakespeare). Sur le TEM voir Wikipedia et le site de T2A.


La sélection se fait tous les ans à la rentrée, dans les locaux du TEM, le bâtiment d’un ancien centre de formation professionnelle. Tous ceux qui espèrent pouvoir suivre les cours de l'année 1983-84 sont réunis dans une des salles de travail. Face à eux, les futurs encadrants et surtout Jean Guerrin. On sent qu'être inscrit aux cours du TEM n'est pas un droit (surtout lorsqu'on n'est pas montreuillois, l'institution vivant pour une large part des subsides municipaux). Jean prend la parole. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le personnage paraît froid, voire tranchant. En fonction de votre ancienneté dans la maison, du nombre d'heures que vous êtes prêts à consacrer chaque semaine à votre formation théâtrale, vous pouvez demander à vous inscrire sur la liste de tel encadrant qui peut accueillir un nombre maximum d'élèves.
Ouf ! C'est bon pour cette année, dans le groupe de Michèle Bisson qui ne comprendra que des débutants (elle même débute cette année son activité d'encadrante).
Que dire de l'enseignement du TEM, sinon qu'il est cadré, suivant une progression définie (inspirée pour une large par de Stanislavski). Exercices techniques alternent avec travail sur les textes. Durant le premier trimestre, il y a comme on dit du déchet. Tous ne tiennes pas le rythme. Et puis en cours d'année, Michèle Bisson lance l'idée que nous pourrions monter un spectacle. Elle pense plus précisément à "Le Bastringue" de Karl Valentin. L'idée est simple,… mais pas sa mise en oeuvre. Au TEM on vient pour se former, et jouer n'est pas un droit ! Il y a bien une petite salle de spectacle dans les locaux (le studio), mais elle n'est ouverte qu'à un nombre restreint d'individus déjà expérimentés travaillant directement avec Jean Guerrin. Jean est donc plutôt défavorable, ne voulant pas cautionner une production médiocre de débutants. Tout au plus accepte-t-il ne mettre Michèle et ses comédiens au pied du mûr : bossez et on verra au final si vous pouvez jouer ! Et même si vous jouez, vous n'aurez pas droit au studio, mais vous utiliserez la salle où vous répétez (qui devait à l'origine servir de garage à l'école qui occupait les lieux). Les répétitions vont alors succéder aux répétitions,… soirées,… week-ends,…
Le Bastringue :  “Les disgressions sont si nombreuses qu’elles occupent finalement tout le terrain” écrit Jean-Louis Besson (co-traducteur de Karl Valentin). Alors, étant donné l’effarement des musiciens, le désarroi hargneux du chef, les trous de mémoire de la chanteuse et autres bagatelles, c’est bien le diable si l’orchestre du Bastringue arrive à donner son concert".
Une des "chances de ma vie", Michèle m'a distribué le rôle du chef d'orchestre ! Par sa lecture du texte, elle en a accentué la cruauté… et donc l'humanité. Le chef se trouve "tiraillé" entre trois femmes (rapports univoques, bien entendu) : le premier violon (Louise R. Caron,… même si ce n'est pas sous ce nom qu'elle apparaît à l'époque), la soubrette (X), la chanteuse (Brigitte Le Gargasson). Sans oublier le cycliste acrobate (Philippe Desperier), et les sept autres comédiens. Quant au final, ce sera un quasi-meurtre du chef par l'ensemble de l'orchestre : à sa question "Je ne vais tout de même pas me pendre pour ça", tous répondront "si, si, si,…".


Le chef d'orchestre (Michel Caron)














Le 1er violon (Louise R. Caron)














La chanteuse (Brigitte Le Gargasson)



       La soubrette




A posteriori, il fallut à Michèle Bisson beaucoup de courage pour se lancer dans une telle aventure avec 12 comédiens inexpérimentés… mais investis. C'est donc tout naturellement qu'une partie de ceux-ci allaient se retrouver l'année suivante !

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