lundi 29 octobre 2018

Lettres de caserne pour l'édification des jeunes générations

Quelques extraits de lettres retrouvées récemment parmi d'autres papiers jaunis. De quoi édifier les générations qui n'ont pas connu l'encasernement.


1 - Doullens le 8/8/74

Bonjour,

J'ai reçu votre lettre ce matin. Je vous écris allongé sur mon plumard, aujourd'hui jeudi 20h (seule heure de la journée où l'on soit pénard).
Ici que dire sinon que c'est totalement débile (enfin c'est l'armée quoi !). On se doute à l'avance de ce que c'est, mais il faut le voir pour le croire ; on croit rêver.
Heureusement le groupe est suffisamment homogène pour supporter le milieu ambiant.

Le gros des mecs sont des sursitaires. Ceci nous a valut un petit discours sur le thème de la sélection qui allait exister pour les élèves officiers dans notre promotion (100 individus) vu son niveau élevé. Résultat : 1 candidat.
Pour les choses les plus importantes, on est aujourd'hui passé à la sélection. Ceci revient à rester quelques minutes devant un galonné et ses sous-fifres, au garde-à-vous, de répondre à ses questions en résistant aux pressions pour faire le peloton (cela va des arguments moraux aux promesses d'une vie pleine de permissions et à la pommade).
(...)
Question emploi du temps des semaines à venir :
a ) Pour cette semaine
- plus que demain à tirer
- samedi matin piqure puis on reste le week-end dans notre chambre. Tout en sachant que ça va être douloureux, on attend ça pour ne pas avoir à se lever à 5h30.
b ) Deuxième semaine
- lundi > vendredi : délire permanent nommé entrainement voir instruction (on a des cours et quels cours !).
- samedi : visite de la base.
- dimanche : "visite éventuelle des parents".
(...)
c ) Troisième semaine
- lundi > vendredi 17h ; la fête continue.
- vendredi 17h > lundi 7h30 : perm.
(...)
d ) Quatrième semaine
- lundi > vendredi > idem.
- samedi-dimanche : repiquouse.
 (...)

C'est tout pour aujourd'hui. Je ferai poster cette lettre demain. Aujourd'hui c'est trop tard et il est temps de dormir.

Michel

Suite et fin 9/8/74 20h30

On est enfin pénards, la semaine est terminée. Heureusement on a été assez tranquilles aujourd'hui. Le vendredi militaire ressemble au vendredi civil, ça tourne au ralenti. En fait aujourd'hui à part quelques soi-disant cours, on s'est contentés d'avoir "sport" (libre) et de faire de la marche à pied, chose que nous faisons de façon de plus en plus automatique et en pensant à autre chose.
Demain matin on reste couchés jusqu'à 7h (ce qui pour ici est terriblement tard !) et dimanche à volonté. On s'est commandé une bonne quantité de jus de fruits et de gâteaux car on ne nous sert rien de solide à manger avant dimanche soir. L'essentiel est que la majorité des gradés se sont tirés en week-end.

Aujourd'hui un des appelés de la compagnie a profité d'une visite médicale à l'hôpital de Lille pour se faire la malle. On ne peut plus se fier à personne.

(...)

2 - Doullens le 12/8/74

Le délire continue. Il y aurait toute une étude à faire sur la psychologie du militaire investi d'une parcelle de pouvoir. Ce matin on a glandé une grande partie du temps, mais cette aprem on s'est tapés 20 bornes en 2h30. On en a vraiment plein les pattes.
(...)
A propos du temps mis par les lettres c'est assez normal vu qu'on les fait poster par le caporal sans passer par la caserne.
Petites réponses aux questions diverses :
a - On a eu la première piqure samedi matin. Pratiquement indolore, juste un soupçon de fièvre. On a passé le samedi à se baffrer avec ce qu'on avait fait acheter (on doit théoriquement être à jeun !).
b - Pour les cheveux, on y a tous eu droit.
c - Il y a dans la chambre une majorité de types de la région parisienne, ce qui est normal vu qu'on est tous arrivés par le même train.

Pour synthétiser la vie qu'on mène ici, disons qu'on ne peut pas mettre un pied devant l'autre sans en avoir reçu l'ordre. On ne peut pas foutre le nez dehors autrement qu'en colonne par trois et avec des guignols qui crient 1-2, 1-2, 1-2. La position des appelés est à mi-chemin entre la résistance passive (mauvaise volonté) et la résignation. On se dit que dans trois semaines tout ça sera fini. L'armée est la plus grande productrice d'anti-militaristes.
Pendant que j'y pense, envoyez-moi avec la prochaine lettre des aiguilles à trou moyen et/ou du fil à coudre (juste un peu) de grosseur normale. Ces rigolos nous filent pour recoudre nos boutons des aiguilles avec du fil qui ne rentre pas dans le trou des aiguilles. La nature du milieu ambiant permet de conclure que ça ne doit pas être accidentel.
Enfin mardi et mercredi ça devrait être relativement relax (tout est relatif quand on pense que ces braves gens nous "occupent 14h par jour").
C'est tout pour aujourd'hui. Prochaine lettre dans quelques jours.

Michel

P.S. Il est bien domage que les lettres écrites sur la base ne puissent être réunies en un anthologie à fort tirage. Les miennes sont d'une rare modération.

(...)

3 - Doullens le 16/08/74

Enfin "plus" qu'une semaine avant la perm. Il serait temps que ça arrive. Hier on s'est tapé une marche sous un soleil de plomb.
Aujourd'hui on a eu notre premier tir à la MAT49 à balles réelles, ce qui est particulièrement désagréable (c'est là que le côté préparation à la boucherie apparait le plus concrètement). Pour reprendre les termes d'un copain de la chambre, c'est "répugnant". Heureusement la semaine se tire. On va être à peu près tranquilles pendant 2 jours.
En fait aujourd'hui ça a été relax à part le moment désagréable sus-mentionné. Un sergent a tenté de nous faire un cours sur l'atome mais finalement - au bout de 5 à 10 minutes - il a abandonné sous le double effet de la chaleur et de nos sarcasmes.

Il faut également que je vous dise quelques mots de la matinée du 15 août. On devait avoir 2 heures de marche à pied le matin, ce qui dans la perspective de la marche de l’après-midi n'avait rien de réjouissant. On a donc décidé - ni plus ni moins - de demander à aller à la messe à Doullens ! On s'est mis d'accord entre les 3 chambrées de la section.
Hier matin, donc, les 3 sections sont réunies. Les pontes présents demandent à ceux qui désirent assister à l'office religieux de sortir des rangs, ceci par section.
1° section > Quelques individus sortent des rangs.
2° section > idem.
3° section > c'est la section entière qui sort de ses rangs.
L'ensemble était un délice pour l'oeil !
Toujours est-il qu'ils nous ont conduit là-bas où l'on s'est payé des crises de fou-rire historiques sous les yeux médusés des calotins du coin.
Il n'y a bien que 2 occasions dans la vie d'un homme où l'église puisse servir à quelque chose : l'armée ou la prison. De toute façon, je doute que le cureton souhaite nous revoir une 2° fois ce qui de toute façon ne risque pas de se produire.

En dehors de ça, on a fait notre petit mai 68 dans la base avant-hier (à une échelle bien-sûr réduite conformément à la spécificité du lieu). Ceci nous a valu, lors d'une après-midi mémorable et pleine de rebondissements, de voir entre autre le sergent-chef débarquer livide pour nous déclarer d'une voix suppliante qu'il ne faisait rien d'autre ici que d'appliquer les ordres. Ceci n'a pas été non plus sans provoquer quelques affrontements au sommet qui ont amené certains à se civiliser quelque peu. Je vous raconterai de vive voix cette succulente hisotire. Elle a d'ailleurs permis de vérifier ce que nous savions déjà ; ces messieurs ont une peur bleue des sursitaires qu'ils suspectent d'être prêts à utiliser (sic) tout incident pour développer une campagne anti-militariste.
En fait, ce n'est même pas nécessaire, le milieu s'en charge tout seul de par sa propre dynamique. De toute façon l'attitude des mecs est plutôt encourageante. À de rares exceptions prêt (et encore ?) ils ne sont pas prêts à aller au casse-pipe et les termes de patrie ou drapeau les font ricaner sournoisement.

Quelques trucs en vrac :

- demain on va visiter la base (dont le rôle est la surveillance aérienne du nord de la France en prévision d'un attaque de l'ennemi !)...

(...)

4 - Doullens le 19/08/74

... Comme prévu, la pression se resserre. Aujourd'hui au rapport les punitions ont culé à flot. Notre chambre a été à peu près la seule épargnée. En dehors de ça, c'est presque le repos. J'ai réussi à me faire dispenser pour la semaine de marches et sport (ne vous inquiétez pas pour autant de ma santé !). Ceci me permet cette après-midi de faire la sieste. Quand à demain où il y a une marche étalée (avec des arrêts !) de 8h à 16h, nous sommes plus de la moitié de la chambrée à en être exemptés...

(...)

5 - Doullens le 27/08/74

Le changement dans la continuité :

a - Hier, les gérants du lieu se sont appliqués à nous crever par 1000 et 1 artifices.

b- Aujourd'hui, au rapport (11h15) lecture de la liste des recrues retenues pour le peloton. Parmi celle-ci, 5 mecs de notre chambrée dont moi. Par contre des mecs qui l'avaient demandé ne sont pas retenues.

Cette après-midi, on passait devant une commission (pontes divers) qui devait nous indiquer notre lieu d'affectation. Dialogue :
- Colonel : Caron > B...
- Moi : Pourrais-je savoir quand je serai muté à B....
- Colonel : Après le peloton.
- Moi : Pourtant, dans tous les papiers que j'ai rempli, j'ai indiqué que je désirais ne pas faire le peloton.
- Colonel : Quel métier faites vous dans le civil.
- Moi : Chercheur.
- Colonel (de plus en plus vert) : Si vous ne voulez pas le faire vous ne le ferez pas, si vous voulez balayer pendant votre service militaire.
...
Rideau.

Les cinq "candidats" de la chambrée en ont fait de même, ce qui fait qu'il en reste 45 sur 50 au départ.
En conclusion, on a intérêt à nous tenir sur nos gardes face aux pressions éventuelles dans les jours à venir.

Acte 2 : Cette après-midi... revue de paquetage. Ordre du Lieutenant : 3 tenues de campagne (punition débile - je vous raconterais) par chambre. Punis pour la chambre les 3 plus prés de la porte - dont moi. Quelle journée !
Les réjouissances doivent commencer à 8 heures.
...
P.S. Les pressions sont en grande partie bidon mais sont efficaces sur le plus grand nombre. Tout ce qu'il faut c'est tenir le coup jusqu'à vendredi...
... Si pas de nouvelles, bonnes nouvelles !

(...)

6 - Doullens le 28/08/74

Court additif à la lettre d'hier.

a- J'ai mystérieusement disparu de la liste des pelotoneux.

b - Guignol devant le drapeau cette A.M.. Bon débarras.

Menu de ce soir :
- Martini
- Escargots                      Blanc de blanc
- Choucroute
- Mystère
- Cognac.

Question : Avons-nous bouffé à la caserne ?

C'est tout...

(...)

jeudi 16 août 2018

FORMATION THÉÂTRALE 2018-2019


COURS DE THÉÂTRE À ANDUZE (GARD)


- Les lundis 19h15-22h00

- WE 1 : Samedi 17 novembre 2019, 13h45-18h30
Dimanche 18 novembre 2019, 10h00-18h30

- WE 2 : Samedi 9 février 2019, 13h30-18h30
Dimanche 10 février 2019, 10h00-18h30
- WE3 : Jeudi 28 mars 2019, 19h00-22h00
Vendredi 29 mars 2019, 19h00-22h00
Samedi 30 mars 2019, 14h00-22h00.



Plus d'informations : http://theatreateliert2a.blogspot.com/p/presentation-de-latelier-t2a.html







lundi 25 juin 2018

La citation du jour (25/06/2018) : Hop Là, Nous Vivons! (Ernst Toller)

Prologue :

Toller. - Les hommes ont-ils tiré les leçons des sacrifices et des souffrances, du désespoir d'un peuple, ont-ils compris le sens et l'avertissement, les devoirs imposés par ces temps ?
Les républicains, qui livrent la république à ses ennemis.
Les bureaucrates, qui étouffent courage et liberté, audace et foi.
Les écrivains qui, après avoir créé une image romanesque du travailleur en lutte, renoncent, dès qu'ils se trouvent en face du véritable travailleur, avec sa force et sa faiblesse, sa grandeur et sa petitesse.
Les politiciens réalistes, sourds à la magie du mot, aveugles à la puissance de l'idée, muets devant la force de l'esprit.
Les fétichistes de l'économie, pour lesquels les forces morales du peuple et les grandes impulsions de l'homme, sa soif nostalgique de liberté, de justice et de beauté, ne sont que vices.
Non, ils n'ont rien appris— tout oublié et rien appris.
La barbarie triomphe, le nationalisme, la haine raciale abusent les yeux, les sens et les coeurs.
Le peuple attend son salut de faux sauveurs et non de son jugement, de son travail et de sa responsabilité propres. Il se réjouit des chaînes qu'il se forge lui-même et, pour les faux fastes d'un plat de lentilles, vend sa liberté et sacrifie la raison.

Hoppla ! Wir leben !, m.e.s. Erwin Piscator, 1927.

Car le peuple est fatigué de la raison, fatigué de la pensée et de la réflexion — « Qu'a donc fait la raison, ces dernières années ? demande-t-il, et de quelle aide lumières et jugement nous ont-ils été ? »
Et il croit ce que lui disent les contempteurs de l'esprit, qui enseignent que la raison paralyse la volonté, ronge les racines de l'âme et détruit les fondements de la société, que toute misère, sociale ou privée, est son oeuvre.
C'est toujours la même absurde croyance en la venue d'un homme, d'un chef, d'un César, d'un messie qui fera des miracles, prendra sur lui la responsabilité des temps à venir, réglera la vie de tous, bannira la peur, supprimera la misère.
C'est toujours le même absurde désir de trouver le coupable qui endosse la responsabilité des temps passés, sur lequel on puisse se décharger de son propre renoncement, de ses propres fautes et de ses propres crimes.
Liberté, humanité, fraternité et justice, autant de phrases vénéneuses — qu'on les jette aux ordures !
Apprends les vertus du barbare, opprime le faible, élimine-le, brutalement et sans pitié, désapprends à sentir la souffrance d'autrui, n'oublie jamais que tu es né pour être un vengeur, venge-toi pour les offenses d'aujourd'hui, celles d'hier et celles que l'on peut te faire demain !
Où est la jeunesse de l'Europe ?
Elle, qui avait reconnu que les lois du vieux monde sont en pièces, qui a vécu jour après jour, heure après heure, leur effondrement ?
Elle vivait et ne savait pas pourquoi. Elle avait soif de buts directeurs, de réaliser ses grands rêves hardis — on la consolait avec l'ivresse du vide.
Suit-elle vraiment les faux prophètes, croit-elle le mensonge et méprise-t-elle la vérité ?

vendredi 18 mai 2018

Mémoires d'avant l'Exil



L’idée de départ ?

Le parcours d'un homme appartenant à la génération qui nait immédiatement après la première guerre mondiale. Génération qui n'a pas connu cette guerre mais qui en porte nécessairement les séquelles. Et qui va se retrouver dans une période tourmentée : prémices de la deuxième guerre mondiale, guerre civile espagnole,… Avec ses choix difficiles et ses secrets bien dissimulés. Y compris lorsque, approchant de la cinquantaine, il sera arrêté et extradé avec sa famille vers le Mexique.
Derrière ce parcours se profilent des questions :
- comment un individu va être amené, dans un contexte qui lui échappe, à faire un choix ou à refuser l’alternative qui lui est imposée ?
- qu’est ce-qui motive le désir tardif de cet homme de se mettre à écrire, pour raconter, peut être transmettre, l’aventure d’une vie dont il n'a jamais voulu parler ?

 

La peinture subjective d’une époque.

J’étais particulièrement intéressé par l’interaction de mon personnage imaginaire avec des lieux, des évènements, une époque,… Pas à la manière d’un historien ou en faisant de l’histoire romancée. Mais en assumant la vision subjective d’un individu qui n’a qu’une compréhension parcellaire de ce qui se passe. Subjectivité renforcée par le fait qu’il se remémore les épreuves qu’il a traversé des décennies après les avoir vécues.


Le récit


Récit à la première personne, constitué de cahiers rédigés par un homme vieillissant qui se libère des secrets d’une vie dont il n'a jamais voulu parler. Né après la Première Guerre Mondiale, il aura connu des années tourmentées : prémices d’une nouvelle guerre, guerre civile espagnole, enfermement dans le camps de Rivesaltes dont il s’échappera,… Parvenu à une vie paisible, il sera finalement rattrapé par son passé.

Ses mémoires, sous forme d’un journal structuré en 5 cahiers, couvrent la période 1919-1968 (de sa naissance à son arrestation suivie d’un exil forcé au Mexique) :

1. Paris (jusqu’en 1937)

2. Barcelone (1937-1939)

3. Rivesaltes (1939-1940)

4. Cévennes (1940-1948)
 
5. Jusqu’au 13 avril 1968, qui retrace le processus qui conduira à son arrestation et à son exil.
 
Disponible chez l'auteur (frais d'expédition partagés) ou chez l'éditeur : https://complices-editions.eu/c/auteurs/michel-caron

jeudi 17 mai 2018

Phrases arrachées aux Mémoires d'avant l'Exil, (1) 17 rue de Sambre et Meuse

« Tout jeune déjà, je ne voulais pas mourir ». Combien de fois ai-je entendue cette phrase ? Les dernières années surtout. Mon père ajoutait généralement que c’était un trait de caractère commun à ceux qui étaient nés après une guerre… N’importe quelle guerre ! Comme si les tueries qui avaient précédé leurs naissances les avaient immunisés. Contre la mort. Au moins provisoirement ! 
(Propos rapportés par Fanny, éliminés de la version définitive du manuscrit)

Derrière ces propos que je mettais dans la bouche du personnage se cachait une difficulté. Quel trait commun (me) permettait de me glisser dans la peau de celui-ci ? Particulièrement pour ses premières aventures, se déroulant bien avant ma naissance. 
À posteriori, j'en discernais deux. 
1. Le lien supposé entre les générations nées après une guerre, comme le disait mon personnage... N'importe quelle guerre ! 
2. Le lieu sans lequel l'histoire rapportée dans "Mémoires..." n'aurait pas lieu d'être. Ce 17 rue de Sambre et Meuse, situé dans le Paris ouvrier du 10° arrondissement. Cette librairie dans laquelle le personnage va entamer son "parcours initiatique". 
Je l'ai bien connu ce bâtiment imposant avec son apparence d'usine du 19° siècle. J'ai vécu à trois immeubles de celui-ci jusqu'au milieu des années '60. Je n'avais alors aucune idée du fait qu'il ait abrité la "Librairie du travail" durant l'entre deux guerres, succédant à une importante coopérative ouvrière (L'Égalitaire, constituée après La Commune de Paris). 
Mon dernier souvenir de ce bâtiment, c'est celui d'un gigantesque incendie. Il appartenait alors à un des principaux industriels de la pellicule photo/cinéma et était bourré de matériaux et solvants inflammables et explosifs.  
La rue de Sambre et Meuse
Vue du Bd de la Villette.
La rue de Sambre et Meuse
Au niveau de la rue Sainte-Marthe.
Restait à vérifier si mes souvenirs de cette rue pouvaient m'aider à décrire les aventures de mon personnage... une guerre plus tôt. Heureusement ces aventures datent d'une époque où les cartes postales ne se limitaient pas aux vues plus ou moins artistiques de sites touristiques. Plusieurs de ces cartes donnent une vision de la rue au début du XX° siècle. 
Dans sa partie haute, vue du Boulevard de la Villette.
Ou au niveau de la rue Sainte-Marthe où habite d'abord le personnage.
Ce qui saute aux yeux en comparant ces photos avec ma mémoire des années '60, c'est que pratiquement rien n'avait changé en un demi-siècle. Les mêmes immeubles, les mêmes boutiques,... Certainement la même population issue des mêmes milieux sociaux. Avec ses gamins allant pêcher les écrevisses du canal. Ceci m'autorisait bien des transpositions !
Et aujourd'hui que constate-t-on ?
Sans nostalgie aucune (la vie était loin d'être simple et l'absence de confort atteignait des sommets), cette "rue-quartier" s'est évanouie comme beaucoup d'autres. Du 17 restent les grilles aux fenêtres et la pendule. 

Alors autant laisser de la liberté à l'imagination. Et partager des souvenirs oscillant entre la vérité et le mensonge, en passant par la ré-interprétation. Laisser à mon personnage la maitrise de ses aventures. En me laissant la liberté de commenter de temps en temps le "mentir-vrai" qui se retrouve tout au long du roman.

https://caronmichel.blogspot.fr/2018/01/memoires-davant-lexil.html


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mercredi 16 mai 2018

Phrases arrachées aux Mémoires d'avant l'exil (2) : Simone et Mimosa.

"Arrive Juillet 1936. Les positions des uns et des autres s’affrontent à propos des événements en Espagne. Simone et Mimosa sont parmi les premières à partir. Elles ne supportent plus de rester dans un Paris qui leur paraît être la base arrière de l’Aragon et de la Catalogne."
Mémoires d'avant l'exil, p. 41.

Deux personnes réelles que j'ai mêlées à la trame romanesque de Mémoires d'avant l'exil.


"En juillet 1936, j’étais à Paris, je n’aime pas la guerre ; mais ce qui m’a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c’est la situation de ceux qui se trouvent à l’arrière. Quand j’ai compris que, malgré tous mes efforts, je ne pouvais m’empêcher de participer moralement à cette guerre, c’est-à-dire de souhaiter tous le séjours, toute les heures, la victoire des uns, la défaites des autres, je me suis dit que Paris était pour moi l’arrière, et j’ai pris le train pour Barcelone dans l’intention de m’engager. C’était au début d’août 1936. " (Simone Weil, Lettre à Georges Bernanos, 1938.)






 

« Le sort en est jeté, je vais au front moi aussi, je l’ai demandé expressément. Je crois que je ne reviendrais pas, mais cela est sans importance, ma vie a toujours été amère et le bonheur n’existe pas. Le bonheur n’a pas de visage, il n’a pas d’armoiries et pas de couleurs et je ne l’ai pas su trouver. J’avais des trésors de tendresse, des désirs qui n’étaient pas la souffrance des autres et je n’ai pas pu donner assez et je n’ai rien reçu, tristesse ! Vais-je apprendre à tous ces furieux qu’ils méprisent la seule chose vraie, la seule !...la vie qui respire, celle qui consiste à voir les bourgeons éclore, le soleil se lever et les étoiles au ciel. Le bonheur ! Vous ne savez pas comme je l’ai cherché, je m’en souviens à peine moi-même ; dans les livres graves, dans les lits douteux, dans la simplicité des choses. Enfin je vais partir, le bonheur ! C’est peut-être le repos des âmes éteintes. » (Extrait du Journal de Georgette Kokoczynski, septembre 1936.)


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mardi 15 mai 2018

Phrases arrachées aux Mémoires d'Avant l'Exil (3)

Un court chapitre inédit ne figurant pas dans la version définitive du roman : un point de vue de la fille du personnage, Fanny.


Santo Tomas, 9 septembre 2013


Au début des années 1960 j’aurais donné une part de ma jeunesse pour goûter à ce que les citadins nomment des vacances. Par la suite, les derniers étés avant le grand départ ont été marqués par le flux et le reflux des envahisseurs. Les touristes venus se chauffer au soleil du sud. Néerlandophones buveurs de bière en juillet. Franco-français haussant la voix de peur qu’on ne remarque pas leur présence en août.

Pour mes parents, être en vacances signifiait simplement ne pas travailler. Trois semaines de repos ! Le luxe ! Pour moi ne pas aller à l’école. Plus tard au collège.
Même si notre appartement de la Rue Basse était un peu exigu, il ne manquait pas autour de chez nous de ballades à faire à pied, de lieux à voir ou revoir que l’on atteignait au pire en une demi-heure de Simca. Comme la filature de « Maison Rouge ». Nous l’avons visitée régulièrement chaque première semaine des vacances. Jusqu’à sa fermeture. En 1963, ou en 1964. Je ne sais plus précisément.
Et puis j’avais mon piano. Mon petit piano droit plaqué contre le mur de la pièce principale. Mes parents ne voulant à aucun prix que son bruit puisse causer une fâcherie avec les voisins, je profitais des vacances scolaires qui ménageaient des tranches horaires où je pouvais martyriser les touches à loisir. J’allais entreprendre une nouvelle séance de massacre pianistique quand mon père est entré avec un masque de conspirateur. De le voir dans cet état, je pouvais m’attendre à tout, sauf à ce que j’allais entendre :
— Nous allons partir deux jours en vacances !
J’évitais de prendre un air par trop étonné. Il aimait bien que ses paroles paraissent être des évidences. Question de principe ! Et puis le ton employé ne permettait aucun étonnement. Surtout pas sur la courte durée de la période annoncée. Bien réduite pour qualifier ça de vacances. De me voir ainsi, hébétée, bras ballants, goule ouverte, comme il disait, ça ne lui inspirait pas de prolonger la conversation. Autant attendre le dîner pour avoir le fin mot de l’aventure… Nos vacances éclairs nous conduiraient à Rivesaltes. Plus précisément, comme il le prononçait : Ribesaltes. Prononciation espagnole ! Ou catalane, façon espingouin !
Tout était prévu, programmé. Il avait réservé dans un petit hôtel, presque dans le centre, pour la nuit que nous allions passer sur place.  
Il ne restait plus qu’à organiser l’expédition ! Tenues de rechange pour toutes les circonstances. Cas de pluie ! D’orage ! De grêle ! Et le froid… Ne pas l’oublier le froid. Rien de plus traître que le froid là où il fait chaud ! Ça vous tombe comme ça, le soir, sur les épaules. Parfois il est trop tard quand on s’en aperçoit. Et puis il y avait de la place dans la Simca ! Trois dans une voiture faite pour quatre. Un palace !

Soyons sincère. Tout à fait sincère ! Aujourd’hui où j’ai dérivé vers un autre continent, j’ai l’air de prendre tout ça à la rigolade. À la légère, avec un sourire limite narquois. Mais cet été-là, mon excitation n’avait fait que grandir de jour en jour jusqu’à notre départ pour Rivesaltes. J’en avais perdu le sommeil.
Et puis le grand jour !
Debout avant l’aurore ! À vacances exceptionnelles, spectacle exceptionnel. Celui du soleil levant ! Avec la perspective d’arriver pour l’heure du déjeuner. Si possible ! En attendant, le plaisir de déchiffrer les indications portées par les panneaux de signalisation. À rêver éveillés : Montpellier… Béziers… Narbonne ! Et puis, avant d’arriver, presque l’Espagne… Figueras… Girona…
Et finalement Rivesaltes,… pardon,… Ribesaltes, tranquillement posée au bord de l’Agly.
Après la descente d’une rue en forte pente, nous avons trouvé sans difficulté une place pour garer la Simca, auprès de l’hôtel où mon père avait réservé une chambre dite familiale. En pension complète pour une nuit. Repas simple à l’ombre d’une terrasse ensoleillée. Puis découverte de la ville. Sans perdre de temps ! Demain à la même heure il faudrait nous préparer à repartir.
Tout était réuni pour que ces deux jours laissent un souvenir idyllique. Un incident tout de même… Au moment où nous débouchions sur une place entourée de palmiers, au milieu de laquelle trônait une statue équestre vert-de-grisée. La découvrant, mon père cracha au sol. Pas son habitude ! Je ne l’avais jamais vu accomplir ce geste répugnant ! Nous nous sommes bien vite détournés du cheval planté les quatre fers au sol et de son cavalier, désireux d’oublier rapidement cet épisode.
Le soir, bien épuisés par la marche, nous sommes passés à table, dans la salle à manger de l’hôtel. Nous étions à peine installés qu’arrivait la serveuse.  Qui nous balança ce leitmotiv des tables hôtelières :
— Vous prendrez un apéritif !
Refuser reviendrait à passer pour des pauvres. Pire, des grippe-sous, des rapiats.. Des rats !
La grosse ficelle de la serveuse, prononcée avec une grâce maladroite, entraîna une réplique immédiate de mon père :
— Oui, trois muscats !
Ce n’est pas le choix qui m’étonnait alors. Notre promenade en ville avait été suffisante pour nous faire comprendre que le vin de muscat est à Rivesaltes,…  pardon Ribesaltes, ce que Jeanne d’Arc est à Domrémy ! Ce qui m’étonnait c’était le chiffre trois, alors que je n’avais jamais avalé une goutte d’alcool.
— Il faut absolument que tu y gouttes. Tu ne finiras pas ton verre. Je le finirai pour toi ! Et respire bien hein, respire,…
On ne recule pas devant une telle invite. Le verre posé devant moi j’y trempais les lèvres, laissait couler quelques gouttes sur la langue, puis dans le fond du gosier. Assez pour une première expérience. Un goût sucré qui se répandait sur le palais et la langue, suivi d’une étrange sensation. Pas suffisant pour faire tourner la tête. Un peu tout de même. Comme prévu, mon verre fut rapidement saisi par la poigne paternelle.
Ce qui suivit conduisit mon imagination à baguenauder. À mesure que le niveau baissait dans le premier verre, puis le second, les yeux de mon père s’embrumaient. Il était ailleurs ! Absent ! Autre part ! Au bout de quelque chose qu’il était seul à connaître.
J’avais beau m’interroger. J’étais à sec d’interprétation. Une seule chose à faire. Attendre. Et effectivement il atterrit de nouveau parmi nous au milieu du repas. Il se remit à parler, à nous faire des commentaires sur la chance que nous avions de bénéficier d’un temps clément. Pas trop chaud, juste ce qu’il faut. Comme si rien ne particulier ne s’était passé.

Rien à dire du retour. Sinon que le passage à vide de la veille continuait à me trotter dans la tête. Et la vie reprit son cours. Le quotidien avec sa dose d’oubli. Ou presque !
Jusqu’à ce que je me plonge dans ces fichus cahiers !
Alors que la plupart des pages sont d’une écriture serrée, régulière, quelques-unes sont plus heurtées, traversées par une sorte de vertige d’en finir avec l’écriture. Pas toujours aisées à déchiffrer. C’est le cas en particulier de quelques lignes qui semblent avoir été ajoutées dans un second temps vers la fin de son deuxième cahier.  

« Janvier 1940. Plus de notion précise de la date depuis longtemps. Nous sommes tout un troupeau d’indésirables étrangers. La police nous embarque, chargement de bestiaux, vers le camp de Rivesaltes. Des vacances ils nous disent !... Fumiers. 

-----ooooo00000ooooo-----

 
Le Camp de Rivesaltes

Autres phrases arrachées :

http://caronmichel.blogspot.com/2018/01/phrases-arrachees-aux-memoires-davant.html

http://caronmichel.blogspot.com/2018/01/phrases-arrachees-memoires-avant-lexil.html

 

Sur Mémoires d'Avant l'Exil : 

https://caronmichel.blogspot.com/2018/01/memoires-davant-lexil.html

 


 

mardi 10 avril 2018

Le sang sèche vite : synopsis.


 SYNOPSIS DU ROMAN NOIR : LE SANG SÈCHE VITE.


Médéa est réveillé un matin par un appel téléphonique lui apprendre l’assassinat de son père, avec qui elle a rompu tout contact depuis plusieurs années. Pensant que cette affaire va être étouffée, elle utilise un « privé » pour tenter de l’élucider. Parallèlement à cette enquête, un narrateur omniscient va nous raconter la vie de ce père : Vladovich dont la disparition ne doit pas faire de vague pour certains, et en arrangent d’autres (ou les mêmes).
Vladovich, né dans un État balkanique en 1920, est réfugié à Paris. Enfant, c’est un petit voyou bagarreur. Adolescent, il fait le coup de poing pour des organisations politiques. Pendant la guerre, il est l’ami d’une tenancière de maison close, Mme Simone. Résistant de la dernière heure, il fera ensuite fortune en commerçant avec l’Europe de l’Est. Il se mariera avec une russe, la mère de Médéa, qui disparaîtra mystérieusement. Autant de pistes pour chercher le mobile de son assassinat.


 
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