vendredi 18 mai 2018

Mémoires d'avant l'Exil



L’idée de départ ?

Le parcours d'un homme appartenant à la génération qui nait immédiatement après la première guerre mondiale. Génération qui n'a pas connu cette guerre mais qui en porte nécessairement les séquelles. Et qui va se retrouver dans une période tourmentée : prémices de la deuxième guerre mondiale, guerre civile espagnole,… Avec ses choix difficiles et ses secrets bien dissimulés. Y compris lorsque, approchant de la cinquantaine, il sera arrêté et extradé avec sa famille vers le Mexique.
Derrière ce parcours se profilent des questions :
- comment un individu va être amené, dans un contexte qui lui échappe, à faire un choix ou à refuser l’alternative qui lui est imposée ?
- qu’est ce-qui motive le désir tardif de cet homme de se mettre à écrire, pour raconter, peut être transmettre, l’aventure d’une vie dont il n'a jamais voulu parler ?

 

La peinture subjective d’une époque.

J’étais particulièrement intéressé par l’interaction de mon personnage imaginaire avec des lieux, des évènements, une époque,… Pas à la manière d’un historien ou en faisant de l’histoire romancée. Mais en assumant la vision subjective d’un individu qui n’a qu’une compréhension parcellaire de ce qui se passe. Subjectivité renforcée par le fait qu’il se remémore les épreuves qu’il a traversé des décennies après les avoir vécues.


Le récit


Récit à la première personne, constitué de cahiers rédigés par un homme vieillissant qui se libère des secrets d’une vie dont il n'a jamais voulu parler. Né après la Première Guerre Mondiale, il aura connu des années tourmentées : prémices d’une nouvelle guerre, guerre civile espagnole, enfermement dans le camps de Rivesaltes dont il s’échappera,… Parvenu à une vie paisible, il sera finalement rattrapé par son passé.

Ses mémoires, sous forme d’un journal structuré en 5 cahiers, couvrent la période 1919-1968 (de sa naissance à son arrestation suivie d’un exil forcé au Mexique) :

1. Paris (jusqu’en 1937)

2. Barcelone (1937-1939)

3. Rivesaltes (1939-1940)

4. Cévennes (1940-1948)
 
5. Jusqu’au 13 avril 1968, qui retrace le processus qui conduira à son arrestation et à son exil.
 
Disponible chez l'auteur (frais d'expédition partagés) ou chez l'éditeur : https://complices-editions.eu/c/auteurs/michel-caron

jeudi 17 mai 2018

Phrases arrachées aux Mémoires d'avant l'Exil, (1) 17 rue de Sambre et Meuse

« Tout jeune déjà, je ne voulais pas mourir ». Combien de fois ai-je entendue cette phrase ? Les dernières années surtout. Mon père ajoutait généralement que c’était un trait de caractère commun à ceux qui étaient nés après une guerre… N’importe quelle guerre ! Comme si les tueries qui avaient précédé leurs naissances les avaient immunisés. Contre la mort. Au moins provisoirement ! 
(Propos rapportés par Fanny, éliminés de la version définitive du manuscrit)

Derrière ces propos que je mettais dans la bouche du personnage se cachait une difficulté. Quel trait commun (me) permettait de me glisser dans la peau de celui-ci ? Particulièrement pour ses premières aventures, se déroulant bien avant ma naissance. 
À posteriori, j'en discernais deux. 
1. Le lien supposé entre les générations nées après une guerre, comme le disait mon personnage... N'importe quelle guerre ! 
2. Le lieu sans lequel l'histoire rapportée dans "Mémoires..." n'aurait pas lieu d'être. Ce 17 rue de Sambre et Meuse, situé dans le Paris ouvrier du 10° arrondissement. Cette librairie dans laquelle le personnage va entamer son "parcours initiatique". 
Je l'ai bien connu ce bâtiment imposant avec son apparence d'usine du 19° siècle. J'ai vécu à trois immeubles de celui-ci jusqu'au milieu des années '60. Je n'avais alors aucune idée du fait qu'il ait abrité la "Librairie du travail" durant l'entre deux guerres, succédant à une importante coopérative ouvrière (L'Égalitaire, constituée après La Commune de Paris). 
Mon dernier souvenir de ce bâtiment, c'est celui d'un gigantesque incendie. Il appartenait alors à un des principaux industriels de la pellicule photo/cinéma et était bourré de matériaux et solvants inflammables et explosifs.  
La rue de Sambre et Meuse
Vue du Bd de la Villette.
La rue de Sambre et Meuse
Au niveau de la rue Sainte-Marthe.
Restait à vérifier si mes souvenirs de cette rue pouvaient m'aider à décrire les aventures de mon personnage... une guerre plus tôt. Heureusement ces aventures datent d'une époque où les cartes postales ne se limitaient pas aux vues plus ou moins artistiques de sites touristiques. Plusieurs de ces cartes donnent une vision de la rue au début du XX° siècle. 
Dans sa partie haute, vue du Boulevard de la Villette.
Ou au niveau de la rue Sainte-Marthe où habite d'abord le personnage.
Ce qui saute aux yeux en comparant ces photos avec ma mémoire des années '60, c'est que pratiquement rien n'avait changé en un demi-siècle. Les mêmes immeubles, les mêmes boutiques,... Certainement la même population issue des mêmes milieux sociaux. Avec ses gamins allant pêcher les écrevisses du canal. Ceci m'autorisait bien des transpositions !
Et aujourd'hui que constate-t-on ?
Sans nostalgie aucune (la vie était loin d'être simple et l'absence de confort atteignait des sommets), cette "rue-quartier" s'est évanouie comme beaucoup d'autres. Du 17 restent les grilles aux fenêtres et la pendule. 

Alors autant laisser de la liberté à l'imagination. Et partager des souvenirs oscillant entre la vérité et le mensonge, en passant par la ré-interprétation. Laisser à mon personnage la maitrise de ses aventures. En me laissant la liberté de commenter de temps en temps le "mentir-vrai" qui se retrouve tout au long du roman.

https://caronmichel.blogspot.fr/2018/01/memoires-davant-lexil.html


Plus : 
http://caronmichel.blogspot.fr/2018/01/memoires-davant-lexil.html 

https://www.facebook.com/Memoiresdavantlexil-142521036373517/


 













mercredi 16 mai 2018

Phrases arrachées aux Mémoires d'avant l'exil (2) : Simone et Mimosa.

"Arrive Juillet 1936. Les positions des uns et des autres s’affrontent à propos des événements en Espagne. Simone et Mimosa sont parmi les premières à partir. Elles ne supportent plus de rester dans un Paris qui leur paraît être la base arrière de l’Aragon et de la Catalogne."
Mémoires d'avant l'exil, p. 41.

Deux personnes réelles que j'ai mêlées à la trame romanesque de Mémoires d'avant l'exil.


"En juillet 1936, j’étais à Paris, je n’aime pas la guerre ; mais ce qui m’a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c’est la situation de ceux qui se trouvent à l’arrière. Quand j’ai compris que, malgré tous mes efforts, je ne pouvais m’empêcher de participer moralement à cette guerre, c’est-à-dire de souhaiter tous le séjours, toute les heures, la victoire des uns, la défaites des autres, je me suis dit que Paris était pour moi l’arrière, et j’ai pris le train pour Barcelone dans l’intention de m’engager. C’était au début d’août 1936. " (Simone Weil, Lettre à Georges Bernanos, 1938.)






 

« Le sort en est jeté, je vais au front moi aussi, je l’ai demandé expressément. Je crois que je ne reviendrais pas, mais cela est sans importance, ma vie a toujours été amère et le bonheur n’existe pas. Le bonheur n’a pas de visage, il n’a pas d’armoiries et pas de couleurs et je ne l’ai pas su trouver. J’avais des trésors de tendresse, des désirs qui n’étaient pas la souffrance des autres et je n’ai pas pu donner assez et je n’ai rien reçu, tristesse ! Vais-je apprendre à tous ces furieux qu’ils méprisent la seule chose vraie, la seule !...la vie qui respire, celle qui consiste à voir les bourgeons éclore, le soleil se lever et les étoiles au ciel. Le bonheur ! Vous ne savez pas comme je l’ai cherché, je m’en souviens à peine moi-même ; dans les livres graves, dans les lits douteux, dans la simplicité des choses. Enfin je vais partir, le bonheur ! C’est peut-être le repos des âmes éteintes. » (Extrait du Journal de Georgette Kokoczynski, septembre 1936.)


https://caronmichel.blogspot.com/2018/01/memoires-davant-lexil.html


 


mardi 15 mai 2018

Phrases arrachées aux Mémoires d'Avant l'Exil (3)

Un court chapitre inédit ne figurant pas dans la version définitive du roman : un point de vue de la fille du personnage, Fanny.


Santo Tomas, 9 septembre 2013


Au début des années 1960 j’aurais donné une part de ma jeunesse pour goûter à ce que les citadins nomment des vacances. Par la suite, les derniers étés avant le grand départ ont été marqués par le flux et le reflux des envahisseurs. Les touristes venus se chauffer au soleil du sud. Néerlandophones buveurs de bière en juillet. Franco-français haussant la voix de peur qu’on ne remarque pas leur présence en août.

Pour mes parents, être en vacances signifiait simplement ne pas travailler. Trois semaines de repos ! Le luxe ! Pour moi ne pas aller à l’école. Plus tard au collège.
Même si notre appartement de la Rue Basse était un peu exigu, il ne manquait pas autour de chez nous de ballades à faire à pied, de lieux à voir ou revoir que l’on atteignait au pire en une demi-heure de Simca. Comme la filature de « Maison Rouge ». Nous l’avons visitée régulièrement chaque première semaine des vacances. Jusqu’à sa fermeture. En 1963, ou en 1964. Je ne sais plus précisément.
Et puis j’avais mon piano. Mon petit piano droit plaqué contre le mur de la pièce principale. Mes parents ne voulant à aucun prix que son bruit puisse causer une fâcherie avec les voisins, je profitais des vacances scolaires qui ménageaient des tranches horaires où je pouvais martyriser les touches à loisir. J’allais entreprendre une nouvelle séance de massacre pianistique quand mon père est entré avec un masque de conspirateur. De le voir dans cet état, je pouvais m’attendre à tout, sauf à ce que j’allais entendre :
— Nous allons partir deux jours en vacances !
J’évitais de prendre un air par trop étonné. Il aimait bien que ses paroles paraissent être des évidences. Question de principe ! Et puis le ton employé ne permettait aucun étonnement. Surtout pas sur la courte durée de la période annoncée. Bien réduite pour qualifier ça de vacances. De me voir ainsi, hébétée, bras ballants, goule ouverte, comme il disait, ça ne lui inspirait pas de prolonger la conversation. Autant attendre le dîner pour avoir le fin mot de l’aventure… Nos vacances éclairs nous conduiraient à Rivesaltes. Plus précisément, comme il le prononçait : Ribesaltes. Prononciation espagnole ! Ou catalane, façon espingouin !
Tout était prévu, programmé. Il avait réservé dans un petit hôtel, presque dans le centre, pour la nuit que nous allions passer sur place.  
Il ne restait plus qu’à organiser l’expédition ! Tenues de rechange pour toutes les circonstances. Cas de pluie ! D’orage ! De grêle ! Et le froid… Ne pas l’oublier le froid. Rien de plus traître que le froid là où il fait chaud ! Ça vous tombe comme ça, le soir, sur les épaules. Parfois il est trop tard quand on s’en aperçoit. Et puis il y avait de la place dans la Simca ! Trois dans une voiture faite pour quatre. Un palace !

Soyons sincère. Tout à fait sincère ! Aujourd’hui où j’ai dérivé vers un autre continent, j’ai l’air de prendre tout ça à la rigolade. À la légère, avec un sourire limite narquois. Mais cet été-là, mon excitation n’avait fait que grandir de jour en jour jusqu’à notre départ pour Rivesaltes. J’en avais perdu le sommeil.
Et puis le grand jour !
Debout avant l’aurore ! À vacances exceptionnelles, spectacle exceptionnel. Celui du soleil levant ! Avec la perspective d’arriver pour l’heure du déjeuner. Si possible ! En attendant, le plaisir de déchiffrer les indications portées par les panneaux de signalisation. À rêver éveillés : Montpellier… Béziers… Narbonne ! Et puis, avant d’arriver, presque l’Espagne… Figueras… Girona…
Et finalement Rivesaltes,… pardon,… Ribesaltes, tranquillement posée au bord de l’Agly.
Après la descente d’une rue en forte pente, nous avons trouvé sans difficulté une place pour garer la Simca, auprès de l’hôtel où mon père avait réservé une chambre dite familiale. En pension complète pour une nuit. Repas simple à l’ombre d’une terrasse ensoleillée. Puis découverte de la ville. Sans perdre de temps ! Demain à la même heure il faudrait nous préparer à repartir.
Tout était réuni pour que ces deux jours laissent un souvenir idyllique. Un incident tout de même… Au moment où nous débouchions sur une place entourée de palmiers, au milieu de laquelle trônait une statue équestre vert-de-grisée. La découvrant, mon père cracha au sol. Pas son habitude ! Je ne l’avais jamais vu accomplir ce geste répugnant ! Nous nous sommes bien vite détournés du cheval planté les quatre fers au sol et de son cavalier, désireux d’oublier rapidement cet épisode.
Le soir, bien épuisés par la marche, nous sommes passés à table, dans la salle à manger de l’hôtel. Nous étions à peine installés qu’arrivait la serveuse.  Qui nous balança ce leitmotiv des tables hôtelières :
— Vous prendrez un apéritif !
Refuser reviendrait à passer pour des pauvres. Pire, des grippe-sous, des rapiats.. Des rats !
La grosse ficelle de la serveuse, prononcée avec une grâce maladroite, entraîna une réplique immédiate de mon père :
— Oui, trois muscats !
Ce n’est pas le choix qui m’étonnait alors. Notre promenade en ville avait été suffisante pour nous faire comprendre que le vin de muscat est à Rivesaltes,…  pardon Ribesaltes, ce que Jeanne d’Arc est à Domrémy ! Ce qui m’étonnait c’était le chiffre trois, alors que je n’avais jamais avalé une goutte d’alcool.
— Il faut absolument que tu y gouttes. Tu ne finiras pas ton verre. Je le finirai pour toi ! Et respire bien hein, respire,…
On ne recule pas devant une telle invite. Le verre posé devant moi j’y trempais les lèvres, laissait couler quelques gouttes sur la langue, puis dans le fond du gosier. Assez pour une première expérience. Un goût sucré qui se répandait sur le palais et la langue, suivi d’une étrange sensation. Pas suffisant pour faire tourner la tête. Un peu tout de même. Comme prévu, mon verre fut rapidement saisi par la poigne paternelle.
Ce qui suivit conduisit mon imagination à baguenauder. À mesure que le niveau baissait dans le premier verre, puis le second, les yeux de mon père s’embrumaient. Il était ailleurs ! Absent ! Autre part ! Au bout de quelque chose qu’il était seul à connaître.
J’avais beau m’interroger. J’étais à sec d’interprétation. Une seule chose à faire. Attendre. Et effectivement il atterrit de nouveau parmi nous au milieu du repas. Il se remit à parler, à nous faire des commentaires sur la chance que nous avions de bénéficier d’un temps clément. Pas trop chaud, juste ce qu’il faut. Comme si rien ne particulier ne s’était passé.

Rien à dire du retour. Sinon que le passage à vide de la veille continuait à me trotter dans la tête. Et la vie reprit son cours. Le quotidien avec sa dose d’oubli. Ou presque !
Jusqu’à ce que je me plonge dans ces fichus cahiers !
Alors que la plupart des pages sont d’une écriture serrée, régulière, quelques-unes sont plus heurtées, traversées par une sorte de vertige d’en finir avec l’écriture. Pas toujours aisées à déchiffrer. C’est le cas en particulier de quelques lignes qui semblent avoir été ajoutées dans un second temps vers la fin de son deuxième cahier.  

« Janvier 1940. Plus de notion précise de la date depuis longtemps. Nous sommes tout un troupeau d’indésirables étrangers. La police nous embarque, chargement de bestiaux, vers le camp de Rivesaltes. Des vacances ils nous disent !... Fumiers. 

-----ooooo00000ooooo-----

 
Le Camp de Rivesaltes

Autres phrases arrachées :

http://caronmichel.blogspot.com/2018/01/phrases-arrachees-aux-memoires-davant.html

http://caronmichel.blogspot.com/2018/01/phrases-arrachees-memoires-avant-lexil.html

 

Sur Mémoires d'Avant l'Exil : 

https://caronmichel.blogspot.com/2018/01/memoires-davant-lexil.html