mercredi 25 décembre 2013

Nouvelles du front (9) : PAGES ARRACHÉES, 1914-1915 à Brignon


Pages arrachées, 1914 – 1915


SAMEDI 17 MAI 2014
21h00
30190 - BRIGNON (Foyer)

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En août 1914, la vie de millions de personnes a basculé dans la guerre ; leurs lettres, leurs témoignages contredisent souvent le message officiel et la propagande. Les ouvrages, qu’il s’agisse de romans ou de récits, écrits ensuite par certains survivants, complètent ces témoignages. Français ou Allemands y déplorent le carnage auquel ils ont participé et sur lequel ils n’avaient aucune prise. 
C’est de ces anonymes dont parle le spectacle « Pages arrachées : 1914-1915 ». Ce n’est ni une ode à la guerre, ni une reconstitution historique à sensation. Simplement deux comédiennes et deux comédiens d’aujourd’hui qui, confrontés aux documents d’époque, tentent au milieu des spectateurs de saisir la complexité historique des années 14-15.  

Attention : Ce spectacle est conçu pour être interprété devant un maximum de 60 personnes. Il est donc recommandé de réserver pour pouvoir y assister.

Contact Cie : theatreatelier@yahoo.fr

tél: 06 78 76 14 76



Pour recevoir ce spectacle, nous contacter.

vendredi 20 décembre 2013

Théâtre de l'Est Parisien : Chronique d'une mort annoncée 8

Dernier épisode


Guy Rétoré laissera sa place de directeur en juillet 2001, après une longue polémique l'opposant à Catherine Trautmann imposant Catherine Anne comme successeur. Plutôt que de commenter ce qui fût la vraie fin du Théâtre de l'Est Parisien, je préfère reproduire deux documents d'époque.

Le 9 avril 2001, Guy Rétoré avait publiée la lettre ouverte  à Catherine Anne reproduite ci-dessous : 

Madame,
J'admire votre hardiesse à dire ce qui appartient au passé de ce qui relève de l'avenir ; je n'aurais jamais osé parler ainsi à mes aînés.
Il est vrai que je n'ai jamais convoité le théâtre d'un autre.
C'est là notre différence : je fais un métier, vous menez une carrière. Vous candidatez partout, vous attendez que le ministère vous octroie un lieu digne de votre talent, que le Syndeac vous bénisse, et vous réclamez ce que vous croyez être votre dû, simplement parce que le ministre a accolé - par hasard, peut-être - votre nom à mon théâtre.
Peut-être que la politique est partout chez elle. Peut-être qu'en droit votre position tient. Mais de vous à moi, d'artiste à artiste, je vous dis qu'il n'y a pas que le droit. Et c'est contre cette violence aveugle du droit, là où il n'y a pas d'autre enjeu que l'art, que je m'érige.
Vous seriez-vous inclinée devant mon refus, seriez-vous restée hors du débat, j'aurai peut-être cédé.
Mais me rappeler à mes devoirs. Vous ! C'est trop !
Je me bats, vous le savez, pour l'identité d'un lieu que j'ai fait tout entier. Les murs appartiennent peut-être au ministère, l'esprit m'en revient.
En son temps, Dasté avait désigné Pierre Vial comme successeur, Gignoux proposé Vincent, Monnet choisit Lavaudant. Récemment Danet a été consulté. Bref, des pères fondateurs de lieux, je suis le seul à qui le ministère refuse la concertation.
Au reste, vous avez sans doute raison de participer à cette curée. Car de mes amis de quarante ans de toute la profession, pas une voix qui s'élève en ma faveur. C'est à qui criera le plus fort, haro sur le baudet, pour le faire déguerpir.
" Selon que vous serez puissant ou misérable. " Je suis seul parce que je suis misérable.
Et parce que je suis misérable, je suis acculé à résister.
Je vous souhaite bonne chance.

Autre document. Un article de Jacques Bertin publié le 5 avril 2001 dans la revue Politis.

L'affaire Rétoré

J'avoue que cette affaire me fait rire, sauf le respect que je porte à Guy Rétoré et à ses autres protagonistes. L'affaire de la succession du directeur du Théâtre de l'Est parisien, c'était un des désaccords que j'ai eus avec Catherine Trautmann, et je l'ai dit plusieurs fois. Rétoré, âgé de 77 ans, souhaitait, depuis longtemps, en passant la main, participer à la nomination de son successeur dans ce théâtre qu'il avait fondé, à la fin des années 50, dans l'esprit de la "décentralisation": travail de proximité, mobilisation d'un public qui ne soit pas seulement celui des intellectuels et des bourgeois, accompagnement du théâtre avec un travail de formation du public et du citoyen. On sait que nos élites se sont mises au début des années 80 à détester ces thèmes et à mépriser ceux qui les défendent. Ce qu'ils ont nommé le "vilarisme" a été déclaré par eux "obsolète". Un jour, en 1999, Rétoré apprit que Catherine Trautmann -assez éloignée pourtant de ce mépris- avait nommé Catherine Anne au TEP. Rétoré, cueilli a froid par la nouvelle, refusa de plier. Et aujourd'hui, Catherine Anne, qui devrait entrer dans son théâtre en juillet, réclame son bien. (Catherine Tasca a eu à régler déjà un problème du même type: celui de Planchon. Planchon, qui s'est -au moins- déconsidéré dans l'affaire de la vente des cinémas CNP de Lyon, a été honoré, lui, d'une solution permettant un départ dans l'honneur et davantage. Rétoré, qui n'a pas de casseroles, en sera-t-il pénalisé?)
Le Syndeac (syndicat des patrons du théâtre public) conseille fortement à Rétoré d'être raisonnable. Les directeurs d'équipements ne sont pas des barons, lui écrit sérieusement son président, Jean-Claude Fall, ce qui me fait bien rire. Car le baronnisme (si j'ose dire) du milieu est une constante depuis au moins vingt ans. Simplement, il est habituellement motivé par des raisons carriéristes et d'argent, voilà tout.
Rétoré envoie paître tout le monde avec un beau mépris de vieux, qui peut s'expliquer par le fait qu'il a déjà été une première fois poussé vers la sortie, lorsque Jack Lang décida de faire de son TEP (qui à l'époque était installé rue Malte-Brun) le Théâtre national de la Colline. Ce type qu'on prend pour un con et qui n'a rien d'un ambitieux, vraiment, a déjà créé et réussi deux théâtres, dites donc, ce n'est pas rien. Donc, pour une fois, le problème posé n'est pas celui de la carrière, mais celui de la fierté et du sens à donner au travail de toute une vie. Qui fut aussi de toute une époque où les élites se battaient pour retrouver le peuple, où être un idéaliste, c'était entrer dans une armée amicale, où les ringards étaient millions.
Une solution serait simple: puisque Catherine Anne a mérité, nous dit-on, une charge, qu'on lui en donne une quelque part! Et on se concerterait enfin avec Rétoré pour que le TEP reste un théâtre selon une idéologie qui ne soit pas celle des barons déguisés en agneaux. Catherine Anne serait contente; Rétoré et les militants de toutes les actions culturelles se sentiraient respectés; et madame Tasca aurait montré et son talent et son attachement à un principe qui pourrait avoir de l'avenir, l'histoire est tellement capricieuse… Voyez, madame: les journaux de ces jours-ci sont pleins de bonnes résolutions sur la démocratie de proximité, le travail à la base, et tout ça… Allez, vous avez laissé fleurir là un symbole. Le laisser vivre serait un geste politique (et historique) habile. Et ne coûterait pas cher, pour une fois.
Jacques Bertin











Théâtre de l'Est Parisien : Chronique d'une mort annoncée 7

J'ai traité précédemment de l'aventure qu'a constitué l'écriture et la représentation du montage collectif "Mal de mer sur terre ferme" au TEP en 1993-1994.
J'ai évoqué au passage le contexte dans lequel elle se déroulait : la mise à mort annoncée par les "pouvoirs publiques" du Théâtre de l'Est Parisien tel que l'avait conçu Guy Rétoré. Avant d'y revenir, deux mots sur la fin de notre aventure TEPienne. Le rideau tombé (c'est un cliché, il n'y avait bien entendu pas de rideau), tout était réuni pour un adieu définitif. 
Il y eu pourtant trois rappels. Sans entrer dans les détails, entre autre à cause de l'absence de documents ou iconographies exploitables (si certains en ont… ne les gardez pas pour vous), je soulignerai ce qui a pu influer sur nos trajectoires.

1. Premier rappel : rentrée 1994
Tout était fini… sauf une possibilité de prolongement jusqu'à la fin de l'année. On peut y voir au moins deux causes :
- Michel Azama, qui avait rejoint le groupe des "encadrants" en cours de route, était encore en résidence pour plusieurs mois. Je suppose que cette résidence impliquait un travail d'écriture au travers d'échanges avec une partie des anciens de "Mal de mer".
- La crise de succession approchant, Réto tentait de constituer autour de lui des cercles de "fidèles" pouvant former des groupes de pression.

Point fort de ce rappel : l'importance accordée à l'écriture. L'absence de perspective donnait sans doute à Michel Azama une liberté d'intervention qu'il n'aurait pas eu dans un autre contexte. Les notes que j'ai gardé donnent un faible idée des thèmes abordés. L'usage pouvant être fait du matériau : du rassemblement, à sa scrutation et à son traitement. L'intérêt de l'élargissement mythologique. Etc. Nouvelle aventure… nouvelle fin !

2. Deuxième rappel : rentrée 1995
Cette fois c'est dans le cadre de la manifestation "Le temps des livres" que se présentait la possibilité de se retrouver dans (je cite) : un théâtre "hors les murs" qui expérimente une nouvelle façon de jouer et de dire (lire : théâtre en appartement). L'aventure, titrée "Les mots de l'histoire", se déroulait sous la direction de Jacques Hadjaje. Timing : environ un mois pour rassembler le matériau, apprendre les textes et répéter. Trois groupes présentaient le même spectacle en "alternance" dans des lieux différents. Les spectateurs du TEP étaient invités soit à proposer de recevoir le spectacle chez eux, soit à venir louer une place (c'était payant) au guichet où on leur donnait l'adresse de l'appartement où ils devraient se rendre.
En l'absence d'une direction psycho-rigide, nous avions eu la possibilité de constituer les groupes assez librement. En conséquence nous nous retrouvions dans un groupe "affinitaire" partageant une vision proche (exigence dans le travail, expérimentation d'une forme de jeu que nous n'avions pas pratiquée auparavant,….).


Point fort : la découverte du théâtre en appartement, du jeu de proximité, débouchant pour certains sur le désir d'explorer plus avant cette petite forme théâtrale (ce fût notre cas, ou celui d'autres compagnons de théâtre réunis autour de Pascal Dereudre). Ce désir ne correspondait pas nécessairement avec la vision de la direction du TEP. C'est une autre histoire !

3. Troisième rappel : rentrée 1996
A nouveau Le Temps des Livres, avec un projet semblable au précédent, également sous la responsabilité de Jacques Hadjaje. Cette fois-ci le thème est "Le théâtre dans le théâtre". Les représentations n'ont plus lieu en appartement, mais dans des locaux associatifs. Par rapport à l'année précédente, Réto est plus présent. On ressent une volonté de prendre les choses en mains, de contrer ce qui pourrait ressembler à un jeu de comédien (opposé à une spontanéité, voir une naïveté, illusoire et idéologique). Ceci conduira vite à des oppositions verbales ou écrites, la dernière représentation se passant dans une ambiance tendue.


Fin de l'aventure, mais pas du compagnonnage avec le TEP. Comme je l'ai déjà souligné dans cette dernière phase Réto recherche des soutiens qui lui permettraient d'imposer un successeur qui ne vienne pas pour brader la maison avant de passer à autre chose.

Ceci prend en particulier deux formes.

1- La constitution d'un illusoire "conseil des spectateurs" (spontanément suscité par Réto), qui ne fonctionnera jamais en tant que "groupe de pression". Nous prendrons l'initiative de l'utiliser pour faire venir André Degaine (avec qui nous étions en contact par ailleurs) avec sa conférence sur l'Histoire du Théâtre.

2- Un certain repliement sur le cercle des "copains de Réto", en ce qui concerne la programmation. Malgré quelques moments forts (comme la venue de Jean-Luc Lagarce) ceci ne se fait pas toujours au bénéfice de la qualité. Progressivement, les spectateurs tendent à se raréfier. Ceci n'empêche pas de passer encore quelques bonnes soirées, après les spectacles, où Réto sort sa cuvée spéciale.

Nous resterons des spectateurs fidèles jusqu'au bout (juillet 2001), mais notre vie théâtrale se déroule alors ailleurs. Après l'arrivée de Catherine Anne comme directrice (imposée par le pouvoir), nous tenterons de continuer à fréquenter le théâtre. La programmation n'y était ni franchement bonne, ni franchement mauvaise, avec un large part consacrée au "théâtre pour la jeunesse". Ayant de plus en plus le sentiment de nous trouver confrontés à une coquille vide, désertée par ce qui avait fait l'esprit du TEP (et par son personnel du temps de Réto qui abandonnait le navire aussitôt qu'une possibilité se présentait), nous préférerons finalement ne pas y retourner.