Ne pas écrire sur le confinement…
Chronique des confins (20)
Michel Caron
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Un jour, une écriture – Le confinement porte en lui-même
une intimité, une profondeur dont peuvent se saisir les écrivains et les
écrivaines, notamment de théâtre et de poésie. Nous les avons
sollicités, afin qu’ils offrent généreusement leurs mots, leur écriture
des confins… Derrière l’humour qui inonde les réseaux sociaux, il y aura
toujours besoin d’une parole qui porte un désir, une attente, un
espoir, du sens.
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Ne pas écrire sur le confinement.
Une promesse que je me suis faite le 20 mars 2020.
Et puis le temps.
La réflexion.
Un retour sur mes écritures d’avant. Des thèmes qui s’entrecoupent : la
nuit, l’enfermement. Un confinement qui conduit souvent à la mort. Celle
que l’on subit ou celle que l’on donne.
Parfois la mort qui conduit à l’enfermement. Comment ne pas y songer
lorsque l’on porte le nom du fils des Ténèbres et de la Nuit.
« Caron, avec des yeux que la colère enflamme,
Les pressait tour à tour et pressait de sa rame,
Tous ceux qui paraissaient tarder trop à partir. » (Dante, Inferno)
Ma promesse s’est transformée : ne pas écrire sur mon confinement. Ne
pas céder à cette soif de partager en toute urgence, sur les réseaux
dits sociaux ou ailleurs, des épisodes fanés de son passé. Comme si
quelque chose nécessitait de concourir à ce que les journalistes nomment
la viande froide. Sa propre viande froide, sa nécrologie vivante.
Plutôt la vie de la forêt qui me fait face. La glycine blanche qui se couvre de coléoptères.
« Je cherche en vain une raison à pareille joie, mais je ne
trouve rien et ne peux que rester dans l’étonnement. Je crois que le
secret n’est rien d’autre que la vie elle-même ; l’obscurité profonde de
la nuit est belle et douce comme du velours, si l’on sait bien la
regarder. » (Rosa Luxemburg, Prison de Breslau, décembre 1917)
Il me faut laisser resurgir les projets d’écriture laissés de côté.
Ou bien les abandonner, ne pas s’en encombrer pour laisser toute sa
place à l’imagination.
À la liberté.
À l’inattendu.
Au refus de la soumission à l’actualité.
Écrire sur un aujourd’hui qui s’étire nonchalamment des premiers récits mythologiques à demain matin. Ou un autre matin.
Écrire pour le tiroir. Et pour ceux qui en sont absents, qui peut-être
sont morts la nuit dernière ou il y a plusieurs siècles. Ceux pour qui
ce n’est réellement pas une priorité. Qui ont du mal à comprendre que
l’on puisse écrire dans de telles circonstances.
Écrire le silence et les bruits de la nuit.
La lumière et les ténèbres.
La vie.
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