vendredi 7 mai 2021

AUTOUR DE "LA DERNIÈRE NUIT DE ROSA LUXEMBURG". LES ASSASSINS.

 


Le 15 janvier 1919, à Berlin, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont victimes des corps francs, chargés de leur liquidation par le ministre SPD de la défense Gustav Noske.
 

L’homme qui prit les dernières dispositions en vue de ces meurtres, le commandant Waldemar Pabst, siégeait alors à l’hôtel Eden de Berlin, où était installé l’état-major de la division de cavalerie de la garde et du corps-franc Mördenzentrale. Dans des extraits de son autobiographie inachevée (1), Waldemar Pabst rapporte qu’il avait agi sur l’injonction directe du personnage qui, en janvier 1919, commandait les troupes gouvernementales allemandes, le dirigeant social-démocrate Gustav Noske.

    

S’adressant à Pabst, Noske lui avait en effet clairement demandé d’intervenir contre Liebknecht et Luxemburg. « Il faut que quelqu’un mette enfin ces fauteurs de troubles hors d’état de nuire », s’était-il écrié.

Waldemar Pabst fait appréhender Karl et Rosa, qui lui sont livrés à l’hôtel Eden. Pabst écrit : « Je me retirai dans mon bureau pour réfléchir à la façon de les exécuter. Qu’il faille les tuer, ni M. Noske ni moi-même n’en avions le moindre doute ».

 

Pabst appela Noske au téléphone pour le consulter. « S’il vous plaît, donnez moi des ordres m’indiquant comment procéder. »

 

« Comment ? » répondit Noske. « Ce n’est pas mon affaire. C’est au général (probablement von Lüttwitz) de le dire ; ce sont ses prisonniers ».

 

Selon un autre témoignage (2), Pabst aurait objecté qu’il n’obtiendrait rien de von Lüttwitz. Et Noske aurait conclu : « Alors, à vous de prendre la responsabilité de ce qu’il faut faire ».

 

Dans une lettre que Waldemar Pabst écrite à l’éditeur Heinrich Seewald, qui était intéressé à l’éventuelle publication de ses Mémoires. On lit : « Si j’ouvre la bouche après m’être tu pendant cinquante ans, ça va faire un raffut destructeur pour le parti social-démocrate. »

 

Après sa communication téléphonique avec Noske, Pabst rassemble deux commandos parmi ses hommes. Liebknecht est remis entre les mains du premier que commande le lieutenant Pflugk-Hartung. Le second, aux ordres du lieutenant Vogel, prend en charge Rosa. A quelques minutes d’intervalle, les deux voitures se dirigent vers le bois du Tiergarten.

 

La première s’arrête bientôt. Karl est sommé d’en descendre et est abattu d’une balle dans la nuque. Son corps est transporté à la morgue, admis sous la mention : « Cadavre d’un inconnu ».

 

Quant à Rosa, Alors qu'elle est dirigée vers la sortie de l'hôtel, elle est frappée à la tête à coups de crosse de fusils ; les soldats la font ensuite monter dans une voiture. Alors que le véhicule a à peine parcouru cent mètres, Rosa est tuée d'une balle dans la tête, probablement par le lieutenant Vogel qui commandait l'escorte. Au pont de Lichtenstein, elle est jetée dans le Landwehrkanal. Son corps ne sera repêché que plusieurs mois plus tard.

Léo Jogiches qui tentera de découvrir la vérité sur la mort de Rosa Luxemburg, sera arrêté à son tour en mars, puis tué,

 

Les assassins ne furent pratiquement pas inquiétés. Six d’entre eux eurent seulement à comparaître devant un tribunal composé d’officiers prussiens qui acceptèrent sans difficulté la version selon laquelle Karl Liebknecht aurait été tué « au cours d’une tentative de fuite », et Rosa, victime d’un « septième homme » inconnu. Gustav Noske qui, entre-temps avait été nommé ministre de la Reichswehr, n’avait plus rien à redouter d’une « enquête » ainsi bâclée.

 

Qu’il ait fallu mettre au compte de Noske l’effroyable répression de 1918, nul n’en pouvait douter. Il avait déclaré lui-même à l’époque : « Il faut que quelqu’un soit le chien sanguinaire, et je n’ai pas peur de cette responsabilité. »

 Le dernier article de Karl Liebknecht, écrit quelques heures avant sa mort et intitulé « Malgré tout », accusait explicitement Noske : « La bourgeoisie française a fourni les bourreaux de 1848 et de 1871. La bourgeoisie allemande n’a pas à se salir les mains ; les sociaux-démocrates accomplissent sa sale besogne ; son Cavaignac, son Gallifet s’appelle Noske. »

 

(1) Publiés par l’hebdomadaire allemand « Stern » du 12 janvier 1995.

(2) Rapporté dans un livre de Klaus Gietinger, « Eine Leiche im Landwehrkanal », paru en janvier 1993, aux éditions L. Dekaton, à Mayence.

 


Les deux principaux responsables de 
l'assassinat :

 

1 - Gustav Noske

Membre du SPD. Ministre de la Guerre dans le gouvernement du chancelier Scheidemann, en charge de la répression durant la « Semaine sanglante » de Berlin, du 6 au 15 .

En 1920, la tentative de putsch de Kapp le prend au dépourvu, entraînant sa démission. Il devient gouverneur de la province de Hanovre la même année. En 1932, il propose la réélection du maréchal Hindenburg à la présidence du Reich. Du fait de son étiquette social-démocrate, il est démis de ses fonctions l'année suivante par les nazis.

Après la nomination d’Adolf Hitler à la chancellerie du Reich, il se retire de la vie politique.

 

2 - Waldemar Pabst

Le major Pabst, responsable des corps francs, participe en 1920 au putsch d’extrême-droite de Kapp. Avant l’effondrement de la tentative de putsch, il rencontra encore un jeune agitateur désirant se mettre au service des putschistes, Adolf Hitler. 

Réfugié en Autriche, il est un des dirigeants de de la «Heimwehr» (milice fascisante autrichienne),

Pabst retourne en 1955 à Düsseldorf où il décède en 1970 à l'âge de 89 ans.

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